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Arts-chipels.fr

Adolescent. Un festival d’énergies, réglé au millimètre pour incarner les errements émotionnels et tourmentés de cet âge.

© Frederic Iovino

© Frederic Iovino

L’adolescence n’est pas un fleuve tranquille et chacune et chacun le sait bien…

C’est donc à un rite de passage que nous convie Sylvain Groud.
La scène est vide, blanche, avec juste en fond une immense peinture rouge de Françoise Pétrovitch, représentant un adolescent à plat ventre et puis les dix danseuses et danseurs vêtu.e.s de blanc s’animent peu à peu avec des gestes un peu maladroits, avec un côté encore très enfantin dans leurs mouvements et leurs postures.  D’ailleurs, la bande d’adolescents que j’avais derrière moi n’arrêtaient pas de « glousser » et de rire mal à l’aise avec cette image que leur renvoyait les danseuses et les danseurs, à ce moment-là du spectacle. Et puis ils se sont tus et pour finir ont fait une standing ovation.

On commence donc sur cet âge un peu bancal de la préadolescence. Les corps se meuvent difficilement, les gestes sont gauches, hésitants. Les danseuses et danseurs cherchent un équilibre mais restent comme désarticulés dans leur posture. On est dans un début de processus.

Et petit à petit, l’ambiance change … Il se passe quelque chose. Trois immenses peintures d’adoslecent.e.s à l’aquarelle de Françoise Pétrovitch sont amenées les unes après les autres, tirées par des danseurs au milieu de la scène et les danseuses et danseurs évoluent au milieu.
La musique de Molécule, électro, prend le devant et le rythme s’accélère. On aborde l’adolescence et ses tourments. Les mouvements se font plus violents, plus saccadés. On assiste fascinée à la métamorphose de ses êtres en construction. Les groupes se font et se défont, on se jette, on se bouscule, on se déchire et on se réunit aussi par deux, par trois, tous ensembles. Et les ensembles sont magnifiquement réglés et arrivent un peu comme par magie, dans ce chaos organisé. Ils apparaissent soudain, par surprise, évoluent tous ensembles à l’unisson quelques pas impeccablement et se disloquent aussitôt pour retourner chacun et chacune à leurs propres tourments.

Il faut souligner la performance des danseuses et danseurs qui nous font vivre toutes ces émotions brutes de l’adolescence. Ainsi ils passent à tour de rôle de la joie à la détresse, puis de l’inquiétude à la mélancolie en passant par les amours naissant et l’éveil de la sexualité et toujours avec une énergie brute, intense, foudroyante. Je pourrai ajouter, si je peux faire cette analogie, et toujours avec le « ton » juste.  Ils nous évoquent la transformation de ces corps adolescents qui bougent et évoluent vers leur avenir. C’est un festival d’énergies, réglé au millimètre avec cependant l’illusion du lâcher prise.

© Frederic Iovino

© Frederic Iovino

Une collaboration au carrefour de trois parcours de créateurs atypiques dans des domaines complétement différents mais complémentaires.

Ce spectacle est le résultat d’une collaboration des trois créateurs/trices, Sylvain Groud, chorégraphe et directeur artistique bien sûr, mais aussi Françoise Pétrovitch plasticienne et Molécule, musicien qui ont chacun et chacune des recherches artistiques centrées sur notre monde contemporain et sur les gestes du réel et du quotidien. Et le résultat de cette collaboration est ce spectacle atypique, performant et très juste.  

Sylvain Groud, Directeur des ballets du Nord depuis 2018, interroge la complexité des rapports humains. Il a un questionnement sur le concept même du spectacle pour et par un ballet, ainsi que le concept de la représentation en jouant avec le public, avec les sens du public, en mêlant artistes et publics tel son spectacle Music for 18 musicians (composition musicale de Steve Reich )où cent amateurs allemands et français dansent ensemble sur la musique joué par l’Ensemble Links. Il cherche ce qui unit les êtres, ce qui fait sens.

La musique est toujours omniprésente dans ses compositions et là il travaille avec Molécule, artiste musicien électro mais également expérimentateur qui interroge aussi les limites de son champ d’action. Molécule se fait remarquer en 2013 à la suite de ses expéditions dans le milieu marin où il enregistre les bruits ambiants et les retravaille dans ces compositions. Ainsi il commence par une expédition au milieu de l'Océan Atlantique, puis en 2015, il sort 60° 43' Nord, après un séjour sur un chalutier dans l’Atlantique Nord, suivi de - 22.7°C, à la suite d'une expédition au Groenland en 2018. Et dans ce spectacle sa musique omniprésente, lancinante parfois, plus violente accompagne parfaitement les tribulations des danseuses et danseurs.

Et la troisième partie, le côté visuel de ce spectacle, est créé par la plasticienne Françoise Pétrovitch qui pour cette pièce a collaboré étroitement avec des peintures gigantesques qui servent de décor et de fil conducteur et qui ont une vraie présence sémiologique. Ses personnages un peu bancals nous regardent et nous interpellent. Ils sont présents par leur immobilité au milieu de ce déchainement d’énergies et de pulsions.

© Frederic Iovino

© Frederic Iovino

Le complexe du homard de Françoise Dolto

Quand on parle d’adolescence je ne peux que penser à Françoise Dolto et son « complexe du homard », métaphore qu’elle utilisait pour expliquer la crise d'adolescence, et elle
écrivait à ce propos : « les homards, quand ils changent de carapace, perdent d’abord l’ancienne et restent sans défense, le temps d’en fabriquer une nouvelle. Pendant ce temps-là, ils sont en danger. Pour les adolescents, c’est un peu la même chose. Et fabriquer une nouvelle carapace coûte tant de larmes et de sueurs que c’est un peu comme si on la “suintait”. Dans les parages d’un homard sans protection, il y a presque toujours un congre qui guette, prêt à le dévorer. L’adolescence, c’est le drame du homard ! Notre congre à nous, c’est tout ce qui nous menace, à l’intérieur de soi et à l’extérieur, et à quoi bien souvent on ne pense pas. 
Et cette métamorphose est comme une seconde naissance. »

Avec ce spectacle on est parfaitement dans cette posture, un entre-deux violent, plein de dangers mais aussi un spectacle étonnant et magnifique tourné vers l’avenir.

Distribution :

Conception et chorégraphie Sylvain Groud

en étroite collaboration avec les interprètes

Assisté à la chorégraphie d‘Agnès Canova

Décors et costumes Françoise Pétrovitch

Musique Molécule

Lumière Michaël Dez

Avec 10 interprètes parmi Yohann Baran, Nathan Bourdon, Marie Bugnon,

Pierre Chauvin-Brunet, Mathilde Delval, Léa Deschaintres, Laure Desplan,

Alexandre Goyer, Alexis Hedouin, Julie Koenig, Lauriane Madelaine, Adélie Marck,

Julien Raso

Réalisation costumes Chrystel Zingiro

assistée de Élise Dulac et Patricia Rattenni

Direction technique Robert Pereira

Tournée 2022
- 06 janvier à LANNION, LE CARRÉ MAGIQUE, PÔLE NATIONAL DES ARTS DU CIRQUE
- 15 janvier à NOISIEL, LA FERME DU BUISSON SCÈNE NATIONALE
- 28 janvier à MALAKOFF SCÈNE NATIONALE
- 04 février à SAINT-QUENTIN, LE SPLENDID
- 10 février à BELFORT, LE GRRRANIT, SCÈNE NATIONALE
- 01 mars à SAINT-LÔ, THÉÂTRE MUNICIPAL ROGER FERDINAND
- 07 et 08 avril à LIEUSAINT, THÉÂTRE-SÉNART SCÈNE NATIONALE
- 21 et 22 avril à CHÂTENAY-MALABRY, L'AZIMUT, PÔLE NATIONAL CIRQUE

 

 

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