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Arts-chipels.fr

Sur le motif. Peindre en plein air n’est pas la chasse gardée des impressionnistes

Sur le motif. Peindre en plein air n’est pas la chasse gardée des impressionnistes

L’exposition que présente la Fondation Custodia qui réunit ses études à l’huile ainsi qu’une sélection d’œuvres de la National Gallery of Art de Wahington, du Fitzwilliam Museum de Cambridge et d'une collection particulière offre l’opportunité de s’interroger sur la peinture de plein air et ses origines Au sous-sol, une exposition est consacrée à l’œuvre du graveur et aquarelliste Charles Donker.

La Fondation Custodia est connue pour sa collection d’œuvres sur papier qui comprend plus de 7 000 dessins et 15 000 estampes, ainsi que pour sa collection de lettres d’artistes, mais aussi pour ses 450 peintures flamandes et hollandaises des XVIe et XVIIe siècles auxquelles s’ajoutent 300 tableaux concernant la peinture européenne du XIXe siècle. L’exposition Sur le motif, qui couvre la période entre 1780 et 1870, réalisée en collaboration entre la Fondation Custodia, la National Gallery of Art de Washington et le Fitzwilliam Museum of Cambridge et avec l'apport d'une collection particulière, évoque la peinture de plein air avant que les impressionnistes en aient fait un credo. Elle rassemble plus de 150 œuvres européennes.

Anonyme français, XIXe siècle. Une terrasse sur l’île de Capri. Huile sur papier, contrecollé sur toile. – 32,7 × 30,8 cm. Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris (inv. 2014-S.10)

Anonyme français, XIXe siècle. Une terrasse sur l’île de Capri. Huile sur papier, contrecollé sur toile. – 32,7 × 30,8 cm. Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris (inv. 2014-S.10)

La peinture de plein air au tournant du XIXe siècle

Si la pratique en est attestée avant 1780, à travers les expériences italiennes de Claude Lorrain (1600-1682) ou de François Desportes (1661-1743), surtout connu comme peintre animalier, c’est à la fin du XVIIIe siècle qu’elle se généralise et fait partie intégrante de la formation des artistes européens qui se retrouvent à Rome pour parfaire leur formation artistique et expérimentent la peinture de plein air. Le peintre Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819) dont nombre d’œuvres sont exposées au musée du Louvre, ne se contente pas de saisir, dans ses études de plein air, les aspects multiples de la ville de Rome et de sa campagne, il témoigne aussi d’une sensibilité nouvelle devant la nature. En 1799, ses Éléments de perspective pratique à l’usage des artistes, suivis de réflexions et Conseils à un élève sur la peinture et particulièrement sur le genre du Paysage, écrits théoriques et pédagogiques, exposent sa conception esthétique du paysage peint et offrent une méthode d’apprentissage de la peinture sur le motif, en extérieur. S’il insiste sur l’importance du travail sur le motif, c’est cependant comme moyen d’approcher le paysage historique qui sert de décor à la Grande Peinture. Il reproche à ses prédécesseurs de n’offrir que « des paysages où l’on aimerait posséder une habitation ». L’idéalisation du paysage passe pour lui par la sublimation du paysage observé, réel. Variante de la peinture d’histoire, la peinture de paysage accède à un statut supérieur dans la hiérarchie des genres, officialisé par la création, en 1816, d’un Prix du Paysage historique décerné par l’École royale des Beaux-Arts.

Baron François Gérard (Rome 1770 – 1837 Paris). Une étude de vagues se brisant sur des rochers au coucher du soleil. Huile sur carton. – 31,2 × 38,5 cm. Collection particulière

Baron François Gérard (Rome 1770 – 1837 Paris). Une étude de vagues se brisant sur des rochers au coucher du soleil. Huile sur carton. – 31,2 × 38,5 cm. Collection particulière

Un statut hybride mais une immédiateté révélatrice

Les études de plein air, souvent considérées comme prélude à l’exécution d’un tableau de grandes dimensions, sont réalisées à l’huile et le plus souvent sur papier. Destinées à l’usage quasi exclusif de l’artiste, elles ne sont pas exposées, encore moins vendues. Souvent, d’ailleurs, elles ne sont pas signées, ce qui rend leur identification parfois difficile. Elles n’en sont pas moins intéressantes par ce qu’elles révèlent de l’approche immédiate de l’artiste. Au-delà des scènes qu’elles doivent accompagner dans leur version finale, agrandie, elles témoignent d’une émotion, de la puissance des sensations de l’artiste face au paysage qui lui est offert. D’une impression que celui-ci produit sur lui, du sentiment qu’il lui inspire. Dans ces petits formats, la lumière et les infinis changements du paysage selon les heures du jour et les conditions atmosphériques ainsi que la force des paysages sont les caractéristiques auxquelles s’attachent les artistes et font de ces tableaux pour s’entraîner des œuvres à part entière. Comme les esquisses et dessins, ils témoignent de l’immédiateté de la perception de l’artiste, d’une vérité qui s’exprime sans retenue, sans censure ou diktat des canons artistiques en vigueur.

Christian Ernst Bernhard Morgenstern (Hambourg 1805 – 1867 Munich). Chutes de la rivière Traun, Autriche, 1826. Huile sur papier. – 28 × 36,4 cm. Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris (inv. 2019-S.16)

Christian Ernst Bernhard Morgenstern (Hambourg 1805 – 1867 Munich). Chutes de la rivière Traun, Autriche, 1826. Huile sur papier. – 28 × 36,4 cm. Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris (inv. 2019-S.16)

Un parcours thématique

L’exposition fait sienne cette approche sensible. Ni chronologique, ni organisée par écoles, elle suit un cheminement thématique autour des motifs abordés par ces peintures. Elle aborde tour à tour les thèmes de prédilection des artistes : arbres, eaux et rivages, rochers et grottes, volcans, ciels et effets, toits, fenêtres, cours et ruines, avant de s’achever sur le passage obligé pour les artistes que constituaient Rome et l’Italie – la Ville éternelle, la campagne romaine, l’île de Capri. L’exposition présente également le versant « technique » qui permit le développement de la pratique du plein air : palettes réduites ou pliantes, boîtes permettant de ranger le matériel tout en préservant les peintures en cours de séchage, parfois même transformables en chevalets, mais aussi sièges pliants, papiers de diverses textures et couleurs ou toiles à peindre. L’invention du tube de peinture en 1840, réellement effective une vingtaine d’années plus tard, facilitera encore davantage la pratique de la peinture de plein air.

Vilhelm Kyhn (Copenhague 1819 – 1903 Copenhague). Rochers à marée basse, 1860. Huile sur toile. – 26,4 × 40,8 cm. Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris (inv. 2012-S.17)

Vilhelm Kyhn (Copenhague 1819 – 1903 Copenhague). Rochers à marée basse, 1860. Huile sur toile. – 26,4 × 40,8 cm. Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris (inv. 2012-S.17)

Des artistes aux origines très diverses

Voisinent ainsi tout au long du parcours des artistes venus d’une grande partie de l’Europe. Si l’on retrouve des artistes célèbres, tels Corot, Degas, Turner ou Constable, certains nous sont inconnus, tels ces artistes venus du Nord de l’Europe, du Danemark ou de Suède. Qu’ils représentent la baie de Naples pendant une éruption du Vésuve comme Johan Christian Clausen Dahl (la Côte napolitaine avec le Vésuve en éruption, 1820), où le ciel et la mer, dans une atmosphère de jour finissant, ne laissent plus passer que des ombres de bateaux et le cône grisâtre et crachant sa fumée du volcan ; qu'ils s’intéressent, comme Thomas Fearnley à une Loggia à Sorrente (1834) où le jeu des courbes, des ombres et des lumières exprime le sentiment de paix qui s’incarne dans les personnages lisant à l’avant et à l’arrière-plan, ou encore qu’ils observent, simplement, comme Vilhelm Kyhn, le mouvement presque imperceptible de l’eau où flottent paresseusement quelques vagues autour de rochers anonymes (Rochers à marée basse, 1860), ils ne se différencient guère de leurs autres homologues européens. Il y a les météores, tels Auguste-Xavier Leprince, disparu à l’âge de vingt-sept ans, ou le Britannique Richard Parkes Bonington, décédé à peu près au même âge, dont le merveilleux Desenzano, lac de Garde (1826) respire la calme douceur d’un monde. Formes et reflets dans l’eau y tremblotent dans la douceur poudreuse d’un fond montagneux qui s’estompe dans les nuages. On y trouve aussi des surprises, tels cet étonnant Paysage montagneux au coucher du soleil (vers 1765) de Jean-Honoré Fragonard, vide de personnages, où les nuages semblent épouser et prolonger les reliefs dessinés par le paysage. Et dans l'Éruption du Vésuve (1872) de l’Italien Giuseppe de Nittis, des formes indistinctes, non identifiables, dévoilent un paysage qui confine à l’abstraction au milieu duquel failles et fumées, et bribes, peut-être, d’explosions dont ne subsistent que d’infimes traces, se distinguent .

Simon Denis (Anvers 1755 – 1813 Naples). Arbres devant une vallée. Huile sur toile. – 68,8 × 91,1 cm. Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris (inv. 2017-S.18)

Simon Denis (Anvers 1755 – 1813 Naples). Arbres devant une vallée. Huile sur toile. – 68,8 × 91,1 cm. Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris (inv. 2017-S.18)

Mon âme est un paysage choisi…

Les arbres noyés de brume s’étagent sur la platitude du paysage du Paysage brumeux de Rosa Bonheur et contrastent avec la netteté de la Cascade de Salins à Apchon (Cantal) de son frère Auguste où la verticalité de la cascade, surgie de l’horizontalité du paysage, traverse la quasi-totalité du tableau. L’hyperprésence de l’arbre couvrant le ciel de sa ramure protectrice (Arbres devant une vallée) du Belge Simon Denis le révèle en majesté dans une atmosphère où la lumière rasante de la fin du jour vient dorer une partie du feuillage et de l’herbe environnante tandis que le Sous-bois (vers 1820) de Robert Léopold Leprince le rend à une densité étouffante de troncs disposés à la verticale qui bouchent toute perspective. La lumière, bien sûr, est de la partie. Anton Smick Pitloo, Italien d’origine néerlandaise, de son côté, affectionne l’observation du ciel du lever au coucher du soleil. La nature s’y dessine en ombre chinoise aux teintes délicatement rosées par l’aube ou rougies par l’incendie du jour finissant. Les panoramiques, étirés dans la longueur, de Théodore Rousseau développent sur l’horizon leurs architectures de maisons villageoises ou de paysages élégiaques. Ils s’opposent à la matérialité massive des pierres, telle cette Étude de rochers de Joseph-Désiré Court qui les dresse fièrement face à la montagne, ou aux rochers indomptés émergeant de la mer dans la Vue de Capri (1851) de Vilhelm Kyhn ou encore de la Vue des Faraglioni à Capri de l’Allemand August Kopisch. Mais parfois la pierre se fait abri, grotte protectrice d’où l’on observe la nature environnante. Ainsi en est-il de cette Grotte dans un paysage rocheux de Louise-Joséphine Sarazin de Belmont qui s’ouvre sur le mystère de la nature avec son étagement d’arbres et de montagne qui donnent au paysage la profondeur de l’infini. La ville n’est pas oubliée, mais elle revêt la silhouette fantomatique du pont du Carrousel et du musée du Louvre qui se distinguent à peine dans le rougeoiement finissant du jour dans la Vue nocturne depuis le quai du Louvre à Paris (vers 1850) de Charles Nègre ou l’aspect fantasmatique de la Tamise à Chelsea le soir (1853) de William Holman Hunt. La ville n’y est plus, à la lueur de la Lune, que le reflet, démultiplié sur le fleuve en colonnes de lumière, des lueurs qui s'allument dans les maisons.

John Constable (East Bergholt 1776 – 1837 Londres). Étude de nuages : coucher de soleil orageux, 1821–1822. Huile sur papier, contrecollé sur toile, 20,3 × 27,3 cm. National Gallery of Art, Washington, D. C., don de Louise Mellon en l’honneur de M. et Mme Paul Mellon (inv. 1998.20.1)

John Constable (East Bergholt 1776 – 1837 Londres). Étude de nuages : coucher de soleil orageux, 1821–1822. Huile sur papier, contrecollé sur toile, 20,3 × 27,3 cm. National Gallery of Art, Washington, D. C., don de Louise Mellon en l’honneur de M. et Mme Paul Mellon (inv. 1998.20.1)

Ces merveilleux nuages…

À côté des fureurs de la mer et des vagues qui se fracassent sur les rochers, ou des volcans qui crachent fumeroles et ruisseaux de lave, l’observation des changements atmosphériques occupe une place de choix. On reconnaît dans ce domaine celui qu’on a qualifié de « maître des ciels », le Britannique John Constable. Qu’il noie le paysage dans l’ombre et réserve ses zones de couleur au ciel nuageux dans East Bergholt (1808) ou se consacre à des Études de nuages sous un coucher de soleil orageux (1821-1822) ou de ciel avec un rayon de soleil (1822 ?), il offre à la réflexion poétique sa palette mouvante et inspirée. Le Suisse Johann Jakob Frey, dans la première moitié du XIXe siècle, se livre, lui aussi, à des Études de nuages et en explore les multiples facettes. Du ciel clair où s’éparpillent en légères billes s’élevant dans le ciel des nuages guillerets jusqu’au ciel d’orage devenu d’un noir d’encre en passant par la richesse des teintes allant du bleu au rouge violacé illuminées par un jaune couleur d’or, Frey nous emporte dans un voyage sans début ni fin, dans une rêverie qui ne cesse de se modifier et qu’il n’a de cesse de fixer.

Camille Corot (Paris 1796 – 1875 Paris). L’île et le pont de San Bartolomeo, Rome, 1825–1828. Huile sur papier, contrecollé sur toile. – 27 × 43,2 cm. National Gallery of Art, Washington, D. C., Patrons’ Permanent Fund (inv. 2001.23.1)

Camille Corot (Paris 1796 – 1875 Paris). L’île et le pont de San Bartolomeo, Rome, 1825–1828. Huile sur papier, contrecollé sur toile. – 27 × 43,2 cm. National Gallery of Art, Washington, D. C., Patrons’ Permanent Fund (inv. 2001.23.1)

L’Italie, terre de formation et de fantasme

De Rome à sa campagne ou au charme de Capri, le voyage en Italie imprime des traces durables. Là, l’histoire de l’art se mêle au paysage, le présent se conjugue avec le passé. Les ruines du Colisée ou du Forum rencontrent la masse arrondie du château Saint-Ange. L’Île et le pont de San Bartolomeo (1825-1828), sous le pinceau de Camille Corot, étagent une architecture de maisons ambrées couronnées par un clocher entre deux arches de pont disposées symétriquement de part et d’autre. Dans la campagne, le Pont Nomentano, attribué au Germanique Franz Ludwig Catel dresse sa silhouette médiévale et fortifiée tandis que le Tombeau de Caecilia Metella (Léon Fleury, vers 1830), isolée au milieu des champs, semble un dernier vestige, la survivance d’une époque disparue.

Louise-Joséphine Sarazin de Belmont (Versailles 1790 – 1870 Paris). Grotte dans un paysage rocheux. Huile sur papier, contrecollé sur toile. – 42,2 × 57,4 cm. Collection particulière

Louise-Joséphine Sarazin de Belmont (Versailles 1790 – 1870 Paris). Grotte dans un paysage rocheux. Huile sur papier, contrecollé sur toile. – 42,2 × 57,4 cm. Collection particulière

La nature et les hommes

De temps en temps, des hommes apparaissent dans ce décor. Subrepticement, de manière furtive, comme dans les deux Bois de hêtres avec des gens du voyage (vers 1799-1801) de Joseph Mallord William Turner. Ils sont grains de sable, têtes d’épingles dans le décor majestueux qui les entoure. Ces personnages sont le plus souvent des silhouettes presque indistinctes traversant le paysage, humains semblant fuir les ruines sombres qui se dressent à l’avant-plan comme dans cette schématique et prise sur le vif Vue de Tivoli la nuit (1829) de Simon Denis, ombres faisant face à la fureur de l’océan dans la Mer agitée près d’une jetée (1849) de Carl Frederik Sørensen ou gardiens de troupeaux. Il y a parfois des visiteurs insolites, tel ce Chasseur dans une grotte à Cervara (1835) du peintre Martinus Rørbye, un peintre de l’âge d’or danois. D’autres fois, c’est un peintre qui apparaît dans le décor. Il peut endosser le rôle d’un Artiste en costume Renaissance dessinant dans les arènes de Nîmes (1822 ?) de Fleury François Richard (dit Fleury-Richard), ou représenter un de ses compagnons, muni de son attirail – ombrelle, pliant, chevalet, palette – comme dans Corot à son chevalet, Crécy-en-Brie d’Eugène Decan, dans Isidore Dagnan à son chevalet en plein air d’Edme-Adolphe Fontaine ou dans Vue de Bozen avec un peintre (1837) de Jules Coignet.

Dans ce parcours qui traverse près d’un siècle de peinture, on voit se dessiner la philosophie d’un siècle où se développe un sentiment de la nature qui trouvera sa pleine expression dans le romantisme et l’approche de ce qui constituera une des sources d’inspiration de l’impressionnisme. La liberté de l’esquisse ou du tableau, détachés de la rigueur des codes et de la hiérarchie des genres, qui apparaissent encore comme toutes relatives, ouvrent une voie à ce qui sera revendiqué par les artistes : la liberté de créer et d’inventer leurs propres règles.

Charles Donker. Autoportrait en anorak, 2019 (inachevé). Eau-forte. – 248 x 207 mm. Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris

Charles Donker. Autoportrait en anorak, 2019 (inachevé). Eau-forte. – 248 x 207 mm. Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris

Charles Donker. D’abord regarder

En même temps que l'exposition Sur le motif, la Fondation Custodia présente un large éventail d'œuvres de Charles Donker. Charles Donker est graveur. Il crée principalement sur le motif. Équipé d’une plaque préalablement préparée, il saisit, avec une extraordinaire finesse, les menus détails qui s’ordonnent et composent la réalité. « Je ne sais pas être ailleurs que dehors, dit-il. J’ai besoin de voir le ciel, d’entendre le bruissement des arbres, de regarder les oiseaux voler ou de ressentir le silence absolu de la nature. Je serais absolument malheureux si je ne pouvais plus sortir. » Après avoir voyagé en France, en Angleterre, en Espagne, en Pologne, en Amérique du Sud et en Israël, Charles Donker s’est installé depuis 1970 dans une ancienne maison de forestier, où il travaille. Dans ses eaux-fortes, il sait capter l’esprit des lieux, la poésie qui sourd d’un bocage, de la haie qui sépare un champ d’un autre ou d’un groupe d’arbres qui vient déranger l’horizontalité du paysage. Il revendique le réel comme source d’inspiration. Mais pour qu’un arbre devienne le sujet d’une estampe, il doit être immobile,  donc avoir perdu ses feuilles. C’est alors qu’il peut le représenter. « Je ne peux rien dessiner d’après mon imagination, ajoute-t-il, j’ai besoin d’avoir tout sous les yeux. » Cette observation, il la poursuit durant plusieurs jours, dans des endroits où rien n’arrive d’autre que ce qui émane du lieu, pétrifié dans le temps et l’espace. C’est la raison pour laquelle, lorsqu’il représente des animaux, ceux-ci sont généralement déjà morts. L’exposition qui lui est consacrée comprend plus de 150 œuvres, majoritairement des eaux-fortes, mais aussi une vingtaine de dessins et une quinzaine d’aquarelles. Pour partager « le sentiment de bonheur » qui est le sien lorsqu'il crée, parce que « le temps n’existe plus ». L'œuvre qui en résulte s'inscrit dans ce temps suspendu.

Charles Donker. Grange à Farrera, Pyrénées, 2001. Pinceau et encre de Chine. – 283 x 384 mm. Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris

Charles Donker. Grange à Farrera, Pyrénées, 2001. Pinceau et encre de Chine. – 283 x 384 mm. Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris

Sur le motif. Peindre en plein air 1780–1870

Exposition placée sous le commissariat conjoint de Ger Luijten, directeur de la Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, de Mary Morton, conservatrice et cheffe du département des peintures françaises de la National Gallery of Art de Washington et de Jane Munro, conservatrice du département des peintures, dessins et estampes du Fitzwilliam Museum de Cambridge.

Charles Donker. D’abord regarder

Pour les deux expositions

Du 3 décembre 2021 au 3 avril 2022, tous les jours sauf le lundi, de 12h à 18h

Fondation Custodia – 121, rue de Lille 75007 Paris

www.fondationcustodia.fr

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