Le Champ des possibles. Élise et sa fausse-vraie vie au tournant de l’âge adulte.

Certains font de leur vie un film. Élise Noiraud, elle, choisit le théâtre comme réceptacle d’une évocation réjouissante de ses années d’apprentissage. Après l’enfance et d’adolescence, qu’elle présente également au Théâtre du Rond-Point en quelques intégrales, elle aborde avec beaucoup d’humour le moment où se consomme une forme de séparation d’avec la famille.

La jeune Élise est sur le point d’aborder le dernier virage avant la vie active : choisir ce qu’elle veut faire de sa vie. Elle s’informe auprès d’une conseillère pédagogique bien trop sucre et trop miel pour être vraiment utile, de ces donneurs de leçon qui vous font vieux avant d’être jeune en enfermant les rêves dans le carcan étroit d’une carrière en forme de rails avant même que d’avoir vécu. La petite provinciale de Poitou-Charentes – vous savez, Ségolène Royal ? je suis du même endroit – passe outre. Elle veut « monter » à Paris faire ses études de lettres et découvrir la saveur de la ville où tout semble possible. Ses parents n’ont pas beaucoup de moyens mais qu’importe, ils vont lui permettre – modestement – de réaliser son rêve…

Promenade dans une galerie de personnages

Les tribulations d’Élise dans son installation parisienne fournissent le prétexte de portraits savoureux des personnes qu’elle rencontre au long de son parcours. De l’agente immobilière qui lui fait visiter le studio, vante le carrelage d’époque – années 70’ –  et fait mine de s’extasier devant un bien au prix exorbitant aux yeux de la jeune fille et de ses parents – et d’ailleurs, elle a bien de la chance d’être arrivée la première parce qu’il y a beaucoup de demandes – jusqu’à la professeure de théâtre égocentrique, les yeux rivés sur une hypothétique renommée internationale lorsque son groupe est sélectionné, elle dresse un portrait gentiment acide des gens qu’elle côtoie. Des étudiants en sandales aux visées forcément humanitaires qui débitent des banalités qu’on n’appelle plus tiers-mondistes sur la pauvreté dans le monde jusqu’aux familles hype vivant dans 300 m² dont la petite merveille de fils aux airs de terreur vivante, Agamemnon, est noyé sous une avalanche d’activités destinées à son self-accomplishment, elle n’épargne rien ni personne… Si le trait est forcé, il n’en est pas moins juste.

Famille, je vous hais, famille je vous aime…

Élise dit la difficulté pour une « provinciale » de trouver sa place, ses marques à Paris, surtout lorsque que la famille, de son côté, penche dans le sens inverse. Elle dresse un portait familial à double détente. La famille est le refuge où se réchauffer dans l’affection qu’on vous porte, un cocon douillet, pas toujours rose quand il croise l’alcoolisme et la maltraitance, mais un lieu rassurant, amical. Mais dans le même temps, il y a la pression qu’elle exerce, d’autant plus insidieuse qu’elle ne dit pas son nom et se masque sous l’affection. « Je ne te fais pas de reproche, tu mènes ta vie comme une grande, mais ça ferait de la peine à ta mère si tu ne… » sont des leitmotives qui reviennent à intervalles réguliers et engendrent l’écartèlement, le chaos dans la tête. Sous la drôlerie des réunions de prière entre jeunes et les « conseils » de la famille se dissimule la volonté pour les parents de façonner les enfants à leur image et la difficulté accrue, dans ce contexte, de trouver sa voie. Seule sur un plateau nu, dépourvu d’accessoires, Élise Noiraud nous propose un voyage « dans le champ des possibles », au temps de l’âge des choix, forcément source de tourments parfois insolubles. L’histoire qu’elle raconte – la sienne – pourrait être celle de nombre d’entre nous. Raison de plus pour voir ce spectacle, par ailleurs distrayant. On n’a pas si souvent l’occasion de rire de soi…

Le Champ des possibles

S Écriture, interprétation et mise en scène Élise Noiraud S Collaboration artistique Baptiste Ribrault S Création lumière François Duguest S Durée 1h25 S Production et administration Le Bureau des filles – Annabelle Couto et Véronique Felenbok S Diffusion Label Saison – Gwénaëlle Leyssieux et Lou Tiphagne S Production Compagnie 28, avec le soutien du Studio Théâtre de Stains, de la Grange Dîmière de Fresnes, de la Manekine — Scène intermédiaire des Hauts-de-France, du Sud-Est Théâtre de Villeneuve-Saint-Georges, de la Compagnie Étincelles (Aubervilliers), du Fonds SACD Humour / One Man Show S Spectacle créé à La Reine Blanche, du 18 mai au 22 juin 2019 S Trilogie publiée dans son intégralité chez Actes Sud sous le titre Élise S Durée 1h25

Théâtre du Rond-Point – 2 bis avenue Franklin Delano Roosevelt – 75008 Paris

23 novembre – 19 décembre 2021, 20h30

Rés. www.theatredurondpoint.fr ou 01 44 95 98 21

Trilogie les dimanches 5, 12 et 19 décembre : 14h30 La Banane américaine (l’enfance) 15h50 Pour que tu m’aimes encore (l’adolescence) 17h35 Le Champ des possibles (l’entrée dans l’âge adulte)

Tournée

13 octobre 2021 Ève Scène universitaire / Le Mans (72)

14 octobre 2021 Scène de Pays dans Les Mauges / Beaupréau-En-Mauges (49)

8 janvier 2022 Le Carré Scène Nationale / Château-Gontier-sur-Mayenne (53)

14 janvier 2022 La Queue-Lez-Yvelines (78)

15 janvier 2022 La Norville (91)

20 janvier 2022 L’Ilyade / Seyssinet-Pariset (38)

21 janvier 2022 Centre Culturel Charlie Chaplin / Vaulx-En-Velin (69)

27 janvier 2022 Espace Culturel Sainte-Anne / Saint-Lyphard (44)

28 janvier 2022 Le Son du Fresnel / Beaucouzé (49)

29 janvier 2022 L’Escale Culture / Sucé-Sur-Erdre (44)

8 février 2022 Le Prisme / Élancourt (78)

11 février 2022 Théâtre de Marcoussis (91)

12 et 13 février 2022 Espace Sorano / Vincennes (94)

22 février 2022 Ève Scène Universitaire / Le Mans (72)

24 février 2022 Montfort-Sur-Meu (35)

8 mars 2022 Théâtre de l’Espace de Retz / Machecoul (44)

10 mars 2022 Villages en Scène / Bellevigne-En-Layon (49)

31 mars 2022 Théâtre de Fresnes (94)

5 avril 2022 Théâtre du Briançonnais / Briançon (05)

16 avril 2022 Théâtre de Lognes (77)

11 juin 2022 Vaour (81)