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Arts-chipels.fr

Normalito. Entre différence et normalité…

© Ariane Catton Balabeau

© Ariane Catton Balabeau

À travers cette fable pleine d’humour et d’allant passent les multiples questionnements qui agitent les enfants au seuil de l’adolescence, mais pas que… Une belle leçon sur la reconnaissance mutuelle et l’acceptation des différences.

Lucas est un enfant comme il en existe tant d’autres. Ni mieux ni pire, ni brillant ni nul à l’école, vivant dans une famille pas reconstituée, ni séparée. Il a le sentiment d’être sans histoire. Bien sûr, sa mère fait du design et mange bio et végé, mais bon, y’a pas de quoi en faire un plat ! Il ne se sent rien de particulier. Il se bagarre à l’occasion, se moque des filles, n’aime pas particulièrement travailler. Il est normal, quoi ! Aussi, quand la maîtresse demande aux enfants de se projeter en superhéros, face à tous ses petits camarades qui ont tous quelque chose qui les différencie, il dit non à la dictature de la différence ! Son superhéros, il aura de particulier d’être normal ! Bien entendu, cela provoque l’hilarité de ses camarades et l’incompréhension de la maîtresse. Mais il y a une fille que cela intéresse. Elle, c’est Iris, une super élève, super forte, qui en a un peu marre d’être la perle, la singulière, le nec plus ultra des enfants. Elle, elle aimerait bien essayer de voir ce que ça fait d’être normal…

© Ariane Catton Balabeau

© Ariane Catton Balabeau

Le portrait de deux enfants à l’aube de l’adolescence

Iris est l’exact opposé de Lucas. Elle parle comme dans les livres, a un langage choisi, ne dit pas de gros mots, analyse toutes les situations à la manière d’une adulte. Bien sûr, elle est sage et ne fait jamais de bêtises. Voilà les deux enfants rapprochés presque contre leur gré par leurs parents, un jour chez l’un, un jour chez l’autre, et l’expérience pour les enfants de la comparaison entre leurs familles respectives. Ils en échangeraient bien… quoique, tout bien réfléchi… La pièce décrit avec beaucoup d’humour les travers de chacune des familles, vus à travers les yeux des enfants mais elle évoque aussi les troubles qui agitent les enfants à cet âge : le passage, pour la petite fille, à l’état de femme et, pour le garçon, l’éveil de la sexualité. Avec beaucoup de justesse, en une série de petites scènes qui pourraient ressembler à du Feydeau avec une multitude de portes situées de chaque côté de la scène que les personnages empruntent pour des entrées et sorties à rythme accéléré, endossant parfois des rôles fugaces qui surgissent et disparaissent aussi vite qu’ils sont venus, l’histoire se met en place, avec ses rapports conflictuels entre les enfants dont on devine qu’ils ne le seront pas toujours et les apartés de l’un et de l’autre. Un fauteuil « confort » roulé sur le devant de la scène, qui fait face à un tabouret zigzagant « design » et nous voici dans les foyers de chacun, avec leur commentaire pas toujours à piquer des hannetons. Les parents en prennent pour leur grade et on s’amuse beaucoup de ce portrait gentiment vitriolé.

© Ariane Catton Balabeau

© Ariane Catton Balabeau

De la différence et des différences

L’histoire pourrait s’arrêter là si ne venait s’inviter au festin un troisième personnage : une dame-pipi dans des toilettes de gare où les enfants, lancés dans une partie de cache-cache avec leurs parents qui les recherchent, se réfugient. Une Carmen au petit pied, singulière, qui danse avec ses balais et pose sur le monde des pisseurs un regard curieux et amusé. Car enfin, dans l’intimité de leur cabinet, ils sont eux-mêmes et, d’une certaine manière, tous pareils… Elle s’agite du plumeau et de la serpillière, décalée et toute en mines. C’est vrai qu’elle a quelque chose de particulier, cette dame-pipi qui entre dans le jeu des enfants et raconte en aparté des histoires de traitement où l’on prend des pilules pour se faire grossir la poitrine… Ex-homme, elle-il a aussi son histoire de famille, et des enfants. Sans avoir l’air d’y attacher plus d’importance que cela – ce qui est bien sûr faux – on entre sur les terres de la morale inculquée et de la « normalité » sexuelle. Avec beaucoup de finesse, le texte, au travers de situations simples, fait comprendre l’inanité des plaisanteries habituelles – chez les enfants comme chez les adultes – touchant aux différenciations sexuelles et referme la boucle des différences en abordant la question du genre. Cet excellent spectacle, plein de rythme et de couleurs et à mettre entre toutes les mains, offre ainsi outre le plaisir de la représentation, la base idéale à l’amorce d’une discussion sur la « normalité » et sur la « différence ». Parce que la normalité, c’est d’abord être différent. Et qu’être différent, c’est normal…

© Ariane Catton Balabeau

© Ariane Catton Balabeau

Normalito. Texte et mise en scène Pauline Sales (texte paru aux Solitaires intempestifs).

S Tout public dès 9 ans (durée 1h15) S Avec Antoine Courvoisier, Anthony Poupard, Cloé Lastère S Lumière Jean-Marc Serre S Son Simon Aeschimann S Scénographie Damien Caille-Perret S Stagiaire en scénographie Elsa Nouraud S Maquillage / coiffure Cécile Kretschmar S Costumes Nathalie Matriciani S Une commande de Fabrice Melquiot pour le Théâtre Am Stram Gram S Une production Théâtre Am Stram Gram, Genève, Suisse et À L’ENVI en coproduction avec Le Préau CDN de Normandie – Vire S Avec le soutien de la Ville de Paris S Co-réalisation aux Plateaux Sauvages, Paris, en partenariat avec le Théâtre de la Ville

TOURNÉE 2023

2 et 3 janvier 2023 Théâtre du Cormiers, Cormeilles-en-Parisis

7 et 9 janvier Quai des Arts, Pornichet

12 et 13 janvier Carré Magique, Lannion

15 et 16 janvier Théâtre de la Fleuriave, Carquefou

19 janvier Théâtre de l’Hôtel de Ville de Saint-Barthélémy d’Anjou

22 et 23 janvier Centre Culturel Jacques Duhamel, Vitré

25 au 27 janvier Théâtre de Coutances

30 et 31 janvier Théâtre de Chartres

2-4 février Malakoff - Scène nationale

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