29 Octobre 2021
Le 25 juillet 1909, dans une ambiance de passion et de compétition exacerbées, Louis Blériot franchit la Manche sur un monoplan de sa conception. Ce spectacle distrayant et rondement mené fait revivre, à la veille du 150e anniversaire de la naissance de l’avionneur, les conditions incroyables pour l’époque de son exploit.
C’est un vieux rêve de l’homme que de vouloir voler. Déjà la mythologie grecque créait deux hommes-oiseaux, Dédale et son fils Icare, qui s’échappèrent du labyrinthe où le roi Minos, furieux que Dédale ait proposé à Ariane le moyen de permettre à Thésée de s’échapper après avoir tué le Minotaure, les avait enfermés. La suite est connue. Dédale leur confectionne des ailes de cire mais Icare, grisé par son envol, s’approche trop près du soleil et ses ailes fondent, le précipitant dans la mer… Dans la longue série des projets qui vont de l’Égypte à la Chine ancienne, s’élever dans les airs reste une constante qu’on retrouve aussi, vers les années 1480 dans les Carnets de l’ingeniere Léonard de Vinci, plus tard, avec le dirigeable des frères Montgolfier et tout au long des XVIIIe et XIXe siècles où l’on expérimente dès 1888 le premier décollage motorisé. Au début du XXe siècle, la compétition est rude. En décembre 1903, le biplan des frères Wright parcourt 284 m en 59 secondes, peut-être précédé en 1901 par le vol de Gustave Whitehead. Ils sont légion ceux dont les essais se mesurent en mètres à cette époque et on compte même une femme parmi eux, Thérèse Peltier, en 1908, l’année où justement, on commence à exprimer les déplacements en kilomètres…jusqu’au 25 juillet 1909 où, dans le cadre d’un concours lancé par le Daily Mail, Louis Blériot traverse la Manche. Le journal titre alors : « L’Angleterre n’est plus une île ! » le Frenchie a coiffé sur le poteau ses concurrents, dont l’Anglais Hubert Latham…
Faire revivre un homme hors du commun
Dans une chambre d’hôtel calaisienne, Blériot, accompagné de sa femme, son fidèle soutien depuis des années, se prépare. Il marche avec des béquilles suite à une chute antérieure mais il ne voudrait, pour rien au monde, rater l’occasion. D’ailleurs on l’a surnommé « le roi des pâquerettes » car il a plus souvent le nez dans l’herbe que dans les airs ! Cet ingénieur-constructeur qui finance ses essais sur ses propres deniers au point d’y engloutir sa fortune, est convaincu que l’avion sera le moyen de transport de l’avenir. À travers son dialogue avec son épouse et les différents protagonistes de l’histoire – son mécanicien, son concurrent Hubert Latham et un journaliste, Charles Fontaine – on reconstitue, morceau après morceau, son travail de défricheur et la passion qu’il y met, ses tentatives infructueuses, ses appréhensions, son choix du monoplan face aux biplans de ses concurrents, les choix qui feront son succès lors de la traversée, l’atmosphère enfiévrée qui règne non seulement chez les concurrents mais dans l’opinion publique, relayée par une presse attentive et avide de sensationnel…
Une intrigue très « théâtrale »
De ce qui aurait pu prendre la forme d’un reportage-célébration, les autrices font une pièce assez cousue de fil blanc mais au rythme enlevé et plein d’humour. Le trublion de la fable, c’est le concurrent anglais, Hubert Latham, à qui elles fabriquent un véritable costard ! Car notre British de service n’a aucune parole – il avait promis à Blériot de ne pas décoller en même temps que lui mais décide de le faire quand même, décidément le fair-play britannique n’est plus de ce monde ! – il est hâbleur, boit comme un trou et drague tout ce qui bouge. Mais justement ce soir-là, il a décidé d’être sobre et de se coucher tôt. Du coup, Madame Blériot cherche à lui concocter un tour de sa façon. On se doute que rien ne fonctionnera comme prévu… Quant au journaliste de service, il est prêt à tout pourvu que ça fasse vendre…
Les ingrédients sont là pour proposer au public un frichti mitonné avec un mélange de comédie et de contenu « sérieux ». Les spectateurs ne s’y trompent pas. Les enfants sont suspendus à l’histoire, ébahis par le « bricolage » que représente ce premier vol sans garde-fou effectué par un casse-cou de première, accrochés par le suspense entre « vol en solitaire ou compétition ». Les adultes n’en mesurent pas moins la dimension de l’exploit tout en goûtant le sens de la repartie des protagonistes. Bref, on s’amuse sans se prendre la tête dans ce spectacle somme toute assez classique qui a reçu un très bon accueil durant le festival d’Avignon off. Après deux ans de confinement, ça ne fait pas de mal de rire un peu. Soyons légers, que diable !
Le Roi des pâquerettes. Le jour où Blériot a traversé la Manche de Bérangère Gallot et Sophie Nicollas.
Q Mise en scène Benoît Lavigne Q Avec Maxence Gaillard (Louis Blériot), Emmanuel Gaury (Hubert Latham), Guillaume d’Harcourt (Ferdinand Collin), Lauriane Lacaze (Alicia Blériot), Mathieu Rannou (Charles Fontaine) Q Collaboration artistique Sophie Mayer Q Scénographie Angéline Croissant Q Costumes Virginie H Lumières Denis Koransky Q Musiques : Michel Winogradoff Q Production Lucernaire, Atelier Théâtre Actuel et ZD Productions Q Partenaires Théâtre Athénée Rueil Malmaison et Figaroscope Q Remerciements : Suzanne Lavigne, Justine Thibaudat, Stéphane Monjo, Claire Boccaccio, Musée des Arts et Métiers et Xavier Pryen
Lucernaire – 53, rue Notre-Dame-des-Champs – 75006 Paris
Rés. : 01 45 44 57 34 ou www.lucernaire.fr
Du 20 octobre 2021 au 21 janvier 2022, du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 16h