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Arts-chipels.fr

Le Pardon. Le prix d’une vie humaine selon la charia.

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Ce beau film iranien donne à voir, à travers la figure d’une femme forte, des individus qui ne se laissent pas réduire à la société coercitive et inégalitaire qu’a mise en place le pouvoir religieux et qui se battent, en dépit de tout, pour défendre des valeurs de liberté.

Dans une cour de prison, une vache blanche se tient immobile. Les détenus sont disposés le long des murs. Elle est la vache du sacrifice, demandée par Moïse au peuple hébreu pour que soit dévoilée l’identité d’un tueur, la vache qui apparaît dans le Coran dans la Sourate qui porte son nom et définit la loi du Talion. Innocente, elle doit mourir pour des raisons sur lesquelles elle n’a aucune prise. Dans la prison, un homme a été condamné à mort. Il a été accusé de meurtre et déclaré coupable, en dépit de ses dénégations. Sa femme lui rend une dernière visite, avant de retourner à son quotidien : le travail en usine, dans une entreprise qui met en cartons le lait de consommation – un lait symbole de l’innocence.

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Le prix du sang

Voici que l’on découvre que le mari était innocent. Le nouveau coupable est lui aussi condamné à mort et exécuté. Deux cadavres pour le prix d’un… La femme du vrai coupable frappe à la porte de Mina pour tenter d’obtenir son pardon. Celle-ci reste immobile, enfermée dans sa douleur. Car quel est le vrai prix du sang ? Les excuses individuelles ? elle les veut officielles car la justice n’a pas seulement fait une erreur. Elle s’est déconsidérée... Mina, en dehors des problèmes matériels et de la tournée des aides sociales pour obtenir de quoi survivre, a la volonté de réhabiliter son époux, de lui rendre officiellement son honneur. C’est à la Justice de faire amende honorable. Justement, le cas est prévu. On lui donnera un dédommagement financier pour l’erreur commise. Le prix du sang. Mina s’entête. Il faut que la reconnaissance soit publique… Elle va d’un bureau à l’autre, rencontre un fonctionnaire, puis un autre. Sans se lasser…

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Le poison de la Providence

Un jour, un homme se présente chez elle. Reza prétend avoir une dette envers son mari défunt et il vient l’acquitter. Il se trouve à maintes reprises sur son chemin et, pour l’aider sans froisser la fierté de la jeune femme, finit par lui louer à prix modique un appartement confortable dont il est le propriétaire. Il devient peu à peu son soutien, l’aide de ses conseils dans ses démarches, lui apporte un peu de joie et d’espérance. Mais si Mina est forte, Reza est fragile. Son fils est un adolescent d’aujourd’hui, un rebelle, les rapports entre le père et le fils sont tendus et Reza a des états d’âme. Il ne supporte plus le rôle que la société lui fait jouer. Il démissionne de son poste, se retrouve en butte au harcèlement de la sécurité intérieure qui voit d’un mauvais œil cette forme de contestation des institutions. On comprendra progressivement les raisons qui l’ont amené à prendre fait et cause pour Mina et la part de responsabilité qu’il a dans son histoire. Mais lorsqu’elle apprendra la vérité, la confiance de Mina s’effondrera et l’homme providentiel trouvera le lait de l’innocence bien amer…

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La force de la parabole

Le « pardon » – avec cette image de la vache offerte en holocauste – revient comme un leitmotiv et parcourt le film de bout en bout. Il renvoie à la loi du Talion et au sang pour sang, à la nécessité de répondre au meurtre par une exécution, qui n’est rien d’autre qu’un autre meurtre. Traditionnellement, dans le cinéma iranien, il est question du pardon avant la sentence, lorsque la famille du coupable vient demander pardon à la famille de la victime. Et cette question ne concerne que les familles. Elle alimente ici la culpabilité de Reza, qui remet en question l’opportunité de la peine de mort, et touche à un tabou par la contestation de la charia. C’est l’institution qui est mise en cause et les répercussions de la peine de mort qui sont pointées du doigt.

Le Pardon. Le prix d’une vie humaine selon la charia.

Une construction dramaturgique sans faille dans un espace confiné

Au-delà de cette histoire révélatrice du fonctionnement de la société iranienne aujourd’hui et du sort qu’elle fait aux femmes, ce qui frappe dans ce film, c’est aussi sa conception plastique, d’une grande force et d’une grande beauté. La caméra alterne, le plus souvent en plan fixe, gros plans et plans larges sans user ou presque du panoramique comme pour enfermer les personnages dans un espace délimité par le cadre, d’où aucune échappatoire n’est possible. Elle traque leurs expressions, qui démentent parfois ce qu’ils peuvent dire, le passage fugace d’une émotion ou d’une colère rentrée, du désespoir aussi. Quant aux scènes d’intérieur, elles laissent voir une succession de pièces qui sont autant de boîtes dans lesquels les personnages sont enfermés. Les portes sont partout, mais leur caractère translucide, tout comme les fenêtres nombreuses et indiscrètes, place chacun des personnages sous le regard des autres, les individus sous la surveillance permanente d’une société qui les épie…

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Au-delà de la fable, le cinéma comme forme de résistance

Cette démarche cinématographique assumée s’écartant du documentaire pour introduire une dimension plastique laisse voir en filigrane le thème de l’amour du cinéma, qui constitue le trait d’union entre Mina et sa fille. La relation de complicité entre les deux femmes passe par leur goût commun du cinéma qui est, en Iran, aussi un signe de résistance. Au-delà de la séance qu’elles s’accordent chaque semaine en salle, elles regardent le soir, très avant dans la nuit, en vidéo, des films du monde occidental, « interdits » même s’ils ne sont parfois que de banales comédies musicales. Cette notation annexe reflète une situation réelle : une résistance aux diktats qui passe par le visionnage, en secret, de films sur des appareils loués clandestinement pour une journée dont on rentabilise la location en enfilant les vidéos l’une derrière l’autre vingt-quatre heures d’affilée. Une victoire minuscule dans un océan d’interdits, mais qui a son prix.

Les auteurs, dans un entretien sur le film, insistent d’ailleurs sur la place qu’occupe la censure dans le processus de création cinématographique. Elle intervient à deux niveaux. En amont avec un « permis de tourner » accordé – ou pas – au vu du scenario. En aval, avec une « autorisation de projection » donnée une fois le film terminé. Pour la première, le seul moyen de contourner l’obstacle est, disent les réalisateurs, « de censurer soi-même le scenario, d’obtenir l’autorisation et de tourner la version non censurée. » Reste le deuxième écueil. Au vu de ce qui précède, on comprendra sans peine que le film, en Iran, est interdit à la diffusion…

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Le Pardon, un film de Betash Sanaeeha et Maryam Moghaddam (2021, Iran-France, drame, 105 min)

S Réalisation Betash Sanaeeha et Maryam Moghaddam S Scénario Behtash Sanaeeha, Maryam Moghaddam, Mehrdad Kouroshnia S Avec : Maryam Moghaddam Mina, Alireza Sanifar Reza, Pourya Rahimisam Le frère de Babak, Avin Purraoufi Bita, Farid Ghobadi Collègue de Reza, Lili Farhadpour Voisine de Mina S Photographie Amin Jafari S Son Hossein Ghourchian, Abdolreza Heydari S Assistants réalisation Arash Mashverat, Kiarash Sanaeeha, Ahmad Mokari S Production manager Meysam Meraji S Décors et costumes Atoosa Ghalamfarsaie S Montage Ata Mehrad, Behtash Sanaeeha S Production Gholamreza Mousavi, Etienne de Ricaud S Ventes internationales Totem Films S Distribution France kmbo S Avec le soutien de Brot für die Welt and EZEF

Sortie nationale le 27 octobre 2021

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