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Arts-chipels.fr

Le Nécessaire déséquilibre des choses. Dans la jungle des désirs révélés et enfouis.

© Vincent Muteau

© Vincent Muteau

Cette belle et attachante fantasmagorie inspirée par les Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes nous emmène sur les rives toujours aventureuses et tortueuses de l’amour et du désir, à la poursuite sans cesse contrariée d’un épanouissement qui se défait sitôt formé.

Dans l’obscurité se dévoile, à coups de craquements qui sont autant de déchirures dans le tissu du temps, une étrange peinture dessinée par la lumière. Des animaux évoquent une fresque des temps préhistoriques. Il y est aussi question d’humains et d’un curieux petit archer qui semble pourvu d’ailes. Ils émergent peu à peu du néant sur la paroi de la caverne que forme la scène. Bientôt l’espace se trouvera peuplé de créatures qui nous ressemblent. Un premier quatuor entre dans la lumière : des cordes – un violon, un alto et un violoncelle menés par une contrebasse –, toute une population musicale qui dit la vibration, cette voix humaine que la légende prétend enfermée dans l’âme de ces instruments. Elles escortent tout au long du spectacle un second quatuor où formes animées et inanimées engagent le dialogue dans un ballet où le manipulateur humain semble parfois répondre à la créature-marionnette qui l'égale en taille, avec laquelle il joue, et dont il crée le mouvement. Sur les côtés, sur des toiles tendues, s’inscrivent les titres qui donnent le ton des séquences constitutives du parcours si particulier des Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes.

© Vincent Muteau

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Une poursuite de l’amour en fragments éclatés

Roland Barthes affectionne ces textes individualisés qui constituent autant d’unités signifiantes dont l’agencement général produit un sens qui n’est pas que la somme de ses parties. Les Fragments d’un discours amoureux prennent sous sa plume la forme d’un abécédaire où « Adorable » succède à « Absence », « Exil » à « Étreinte » et « Regretté » à « Ravissement ». Des abstractions tels « Atopos », « Déréalité », « Signes » ou « Vouloir saisir » voisinent avec « Errance », « Jalousie », « Obscène », « Monstrueux » ou « Suicide ». C’est à l’intérieur d’une partie de cette carte du Tendre bien éloignée de l’amour courtois que la mise en scène nous entraîne. Cœur et Manque, Pulsion, Angoisse et Imagination trouvent place dans un paysage où l’attente ne vaut pas accomplissement, où le désir ne conduit qu’à l’insatisfaction, où l’amour n’est qu’impossibilité et où le seul fait d’exposer par le langage l’attraction irrépressible qu’on ressent vers l’autre est déjà le perdre.

© Vincent Muteau

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Un parcours plastique à la fois poétique et significatif

Les images se succèdent au travers de ces tableaux d’une intimité mise à nu et qui se regarde en train de se dépouiller de ses lâchetés et de ses faux-semblants pour atteindre l’os de la vérité. Elles donnent à ce voyage aux confins de la philosophie et de l’art une sombre beauté où la magie le dispute au grotesque, où les ombres portées démesurément agrandies se lancent à la recherche de l’illumination qui les fera se dissoudre, cesser d’être des illusions. La nature de l’amour que recherchent tel un philtre salvateur les deux personnages tout de rouge vêtus font d’eux les deux moitiés du cœur rouge qu’ils regardent battre comme une idole au-dessus de leurs têtes. Lui répond et le contrebalance l’opération de nettoyage qu’un personnage obèse effectue lorsque la trivialité, l’obscénité, l’usure et la perte de l’émotion première sont passés par là. En une série de tableaux disparates qui figurent le parcours en zigzag qu’effectue Roland Barthes, notions et actions se répondent comme vivant et artificiel, musique, hommes et marionnettes. On navigue en plein monde onirique, là où hommes et êtres de légende ne font qu’un, où émerge une force brute, non domestiquée, première. Un minotaure, perdu dans un labyrinthe où il cherche à coups de cornes désespérés un chemin introuvable, des hommes devenus loups ou un être de papier à la poursuite d’une réalité intangible se déploient dans un univers semé d’embûches et ponctué de chutes où les fils qui relient les personnages disent le lien qu’ils cherchent à nouer en suivant un courant qui les sépare au lieu de les joindre.

© Vincent Muteau

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Dans les réseaux interconnectés des genres

Dans cet univers-là, le masculin et le féminin sont interchangeables. Les manipulateurs, qui sont homme et femme, animent des marionnettes grandeur nature, l’une masculine, l’autre féminine. Mais la femme n’anime pas toujours la marionnette féminine et l’homme celle de l’autre sexe. Ils s’emparent à tour de rôle de l’une et de l’autre pour nous amener à considérer les différentes formes du rapport amoureux dans un monde où le désir « rationnel » et les plateformes world connect ont modifié la donne, démultiplié le nombre de possibilités sans vraiment changer le fond, de cette recherche : celle d’un enchantement qu’on aimerait durable et partagé, où l’on n’est pas plus celui qui attend, « un paquet perdu dans un coin d’une gare », que celui que l’amour de l’autre enferme, où l’on n’est pas seulement amoureux de l’amour et où la chimie des phéromones débouche sur le rêve. Une permanence inaccessible, un état au fort parfum d’Éden. Mais cela, comme l’écrit l’Histoire et comme le suggèrent ces Fragments, c’était avant…

© Vincent Muteau

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S Mise en scène - Brice Berthoud avec Marie Girardin S Équipe d’explorateurs au plateau Les marionnettistes en déséquilibre - Camille Trouvé et Jonas Coutancier. Les créateurs d’images et de lettre en direct - Amélie Madeline en alternance avec Vincent Croguennec. L’homme échelle et régisseur plateau - Philippe Desmulie. Le quatuor à cordes - Jean-Philippe Viret (contrebasse), Mathias Lévy (violon), Maëlle Desbrosses (alto), Bruno Ducret (violoncelle) S Dramaturgie - Saskia Berthod S Composition musicale - Jean-Philippe Viret S Scénographie - Brice Berthoud avec Adèle Romieu S Création et construction marionnettes - Camille Trouvé, Jonas Coutancier, Amélie Madeline, Caroline Dubuisson, Séverine Thiébault S Création costumes - Séverine Thiébault S Création sonore - Antoine Garry avec Tania Volke S Création lumière - Brice Berthoud avec Louis de Pasquale S Tout public à partir de 13 ans - Durée 1h30 S Production : Les Anges au Plafond S Co-production : La maison de la culture de Bourges – Scène nationale, La Maison des Arts du Léman – Scène conventionnée de Thonon-Évian-Publier, Malakoff scène nationale, Le Grand T – Nantes, Le Bateau Feu – Scène nationale de Dunkerque / La Licorne Outil de création européen pour la marionnette contemporaine et le théâtre d’objets, Le Grand R – Scène nationale de la Roche s/Yon, Le Sablier – Scène conventionnée pour les arts de la marionnette d’Ifs et de Dives s/Mer*, Le Théâtre de Choisy-le-Roi - Scène conventionnée d’intérêt national art et création pour la diversité linguistique, Le Festival théâtral du Val d’Oise, Le Théâtre des Quatre Saisons – Gradignan, Les Passerelles – Scène de Paris-Vallée de la Marne, Le Théâtre de Laval – Scène conventionnée pour la marionnette et les formes animées*, Le Théâtre de Corbeil-Essonnes en association avec le Théâtre de l’Agora - Scène nationale de l’Essonne, L’Hectare – Scène conventionnée de Vendôme*, Le Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières, Le Polaris- Corbas, Le Centre d’art et de culture - Meudon, Le Centre culturel Jacques Duhamel - Vitré, Le Théâtre de Chevilly Larue André Malraux, Saison culturelle ville de Riom (* Centre national de la marionnette en préparation) S Soutiens : la Région Ile-de-France, avec la participation artistique de l’ENSATT -École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre. Les Anges au Plafond sont artistes associés à la maison de la culture de Bourges – Scène nationale, à la Scène nationale d’Aubusson, à Malakoff scène nationale et à La Maison des Arts du Léman – Scène conventionnée de Thonon-Évian-Publier, conventionnés par le Ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Ile-de-France, au titre des Compagnies et Ensembles à Rayonnement National et International (CERNI), soutenus par la Région Ile-de-France et la Ville de Malakoff

© Vincent Muteau

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TOURNÉE
/ 4 & 5 novembre 2021 - 20h15 - Gradignan (33) Théâtre des Quatre Saisons 
/ 10 novembre - 10h & 14h30 (Représentation en LSF) - Laval (53) Le Théâtre - Centre national de la marionnette en préparation
/ 19 nov. à 14h, 20 nov. à 20h30 (Représentation en LSF) - Pontault - Combault (77) Les Passerelles
/ 24 nov. à 19h (Représentation en LSF, 25 nov. à 14h15 & 20h30 La Roche-sur-Yon (85) Le Grand R 
/ 3 & 4 décembre - 20h30 - Corbas (69) Le Polaris
/ 15 déc. à 20h, 16 déc. à 14h15 - Taverny (95) Théâtre Madeleine Renaud Festival Théâtral du Val d’Oise
/ 11 & 12 janvier 2022- 20h45 - Meudon (92) Centre d’Art et de Culture
/ 2 & 3 février - 20h30 - Riom (63) Saison culturelle ville de Riom

/ 10 & 11 février – 20h30 – Thonon-les-Bains (75) Maison des Arts du Léman

1er & 2 mars – 19h30 – Ifs (14) Le Sablier – Centre national de la marionnette en préparation

/ 17 mars à 14h30, 18 mars à 20h30 Chevilly-Larue (94) Théâtre André Malraux

/ 3 avril à 16h, 4 avril à 14h – Corbeil-Essonnes (91) Théâtre

/ 7 avril à 14h, 8 avril à 20h30 Segré-en-Anjou Bleu (49) Le Cargo

/ 14 & 15 avril (horaire à confirmer) Aurillac (23) Théâtre d’Aurillac

/ 24 et 25 mai (horaire à confirmer) Portes-lès-Valence (26) Le Train Théâtre

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