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Arts-chipels.fr

La Paix dans le monde. Traverser la folie d’aimer à en mourir.

La Paix dans le monde. Traverser la folie d’aimer à en mourir.

Cette pièce déroule le cheminement fascinant d’une passion dévorante qui efface le réel. Une histoire d’amour qui bouleverse tout sur son passage et met le monde sens dessus dessous, racontée par un homme qui danse sur un fil à la lisière entre raison et déraison, réalité et fantasme.

Il se nomme Simon. Il arbore un doux sourire qui ne le quittera pas de toute la pièce. Il est là qui attend. Une fille. Son amoureuse. Qu’il n’a pas vue depuis quinze ans. Il évolue dans un espace abstrait : un rideau blanc, en fond de scène, et une caisse, assez grande pour contenir un homme, dont quatre des parois ont été ouvertes et rabattues sur le sol. Il sait qu’il va la revoir, que le temps n’est pas signe d’usure, que son amour pour elle est intact comme est intact le lien qui les unit. Il s’est longuement préparé. Aujourd’hui il est prêt.

© Mathieu Morelle

© Mathieu Morelle

Une histoire qui se dessine par touches

Peu à peu, l’évocation se précise. On comprend que cette « absence » est liée à un séjour en hôpital psychiatrique. Il évoque ses compagnons. La jeune anorexique qu’il n’a pas su aider, mais qui lui a été d’un grand secours. L’historien qui marche sur les traces du fantôme de son père en s’intéressant au père Bartolomé de Las Casas, dont il porte le prénom en hommage au dominicain qui, pour améliorer le sort des « Indiens », usa pour argument qu’ils avaient une âme et devaient de ce fait être traités comme des êtres humains. Il se rappelle aussi les recommandations de son thérapeute pour tenir à distance, à défaut de les exterminer, les monstres qui sommeillent en lui. Sur cette caisse qui figure l'enfermement physique et mental et dont il s’est extrait, il évoque les petits trucs auxquels il recourt pour garder son cap : des habitudes, toujours les mêmes, des horaires, toujours les mêmes, les exercices pour se contrôler, l’isolement, l’ascèse… Parce que les causes qui lui ont valu l’internement sont hors du commun, violentes, terribles, et qu’elles ont à voir avec son amour démesuré pour Lucie, la femme qu'il veut retrouver. Il les détaillera de la même voix égale et avec le même sourire doux de celui qui attend une rencontre dont on ne connaît pas l’issue.

© Vanessa Filho

© Vanessa Filho

Un incommensurable amour

Il parle de l’injonction qui lui a été faite, durant toutes ces années, de se tenir à distance de Lucie. Parce qu’il ne supportait pas que d’autres l’approchent, que la voir leur sourire lui était une douleur intolérable. Il dit, d'une voix égale, sans élever le ton, sans marquer de douleur, de colère, cette passion hors norme qu’il a la certitude de voir partagée. Il nous promène dans son rêve ou son délire et nous ne pouvons plus distinguer le réel du fantasme. Lorsqu’il échange avec elle via les réseaux sociaux dans un jeu masqué-dévoilé en faisant référence à leur attirance commune pour Racine – le peintre par excellence de la passion – imagine-t-il qu’il le fait ou le fait-il réellement ? Lorsqu’il l’attend, comme statufié à la porte de la galerie d’art où elle se trouve, et passe avec elle une nuit intense, est-il toujours dans le délire ou son récit reflète-t-il la réalité ?

Entre amour et psychose

C’est le moment où Lucie prend corps sur la scène en une série de photographies dans lesquelles passent l’intimité et l’abandon qu’elle livre face à la caméra, mais aussi la charge émotionnelle dont les photographies sont empreintes. L’espace scénique évolue à mesure que la relation entre Simon et Lucie s’intensifie. La boîte devient mur qui isole les amants du reste du monde, une surface sur laquelle se projette une image du papier peint que Simon a posé, transformant le lieu abstrait de son séjour d’ermite, configuré à la mesure de son absence au monde, en maison. Ce mur referme aussi le cocon dans lequel Lucie, devenue projection filmique, y entame un dialogue, médiatisé, avec Simon. À la clôture sur soi de la psychose a succédé l’enfermement dans l’amour. Et lorsque l’histoire énonce sa fin de conte de fées – ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants – elle peut paraître trop belle pour être vraie…

© Mathieu Morelle

© Mathieu Morelle

Le point final d’une trilogie

Dans la mythologie de l’auteur et son exploration de l’amour fou, et même si elle se regarde comme un objet en soi, cette pièce vient clore un cycle entamé dix-huit années auparavant. Dans la Nuit du thermomètre, Simon et Lucie avaient douze ans. Leur histoire s’était prolongée quelques années plus tard avec 107 ans qui les mettait en scène à seize ans. Incarnation de l’amour absolu qui fait table rase de tout ce qui l’entoure et se nourrit de lui-même comme un feu éternellement renouvelé, l’histoire des deux amants prend la dimension d’une saga, d’une épopée de la passion. Au-delà de l’incertitude où nous laisse la pièce, ceux qui aiment ou ont aimé avec l’intensité que le texte décrit de façon presque clinique savent qu’en la matière, cet absolu qui les consume est, à sa manière, une psychose… Mais peut-être est-ce là le prix à payer d’un aussi grand amour…

La Paix dans le monde. Texte et mise en scène Diastème

S Avec Frédéric Andrau et la participation d’Emma de Caunes S Musique Cali S Images Vanessa Filho S Décor Alban Ho Van S Lumières Stéphane Baquet S Costumes Frédéric Cambier S Assistant Mathieu Morelle S Avec le soutien du Département du Val-de-Marne et de la SPEDIDAM S Coproductions Cie du Refuge Mes Scènes Arts La Guérétoise de spectacle / Scène conventionnée de Guéret Fontenay-en-Scènes / Fontenay-sous-Bois, Théâtre Montansier / Versailles, Ondes Alpha Mécénat Longsen S Soutiens Artéphile Ligue de l’enseignement / Fédération de Paris Athénée / Le Petit Théâtre de Rueil Espace Saint-Exupéry / Franconville Théâtre La Luna / Avignon Festival Avignon Off S Coréalisation Les Nouveaux Déchargeurs / La Main Gauche

Théâtre les Déchargeurs – 3, rue des Déchargeurs – 75001 Paris

Du 1er au 30 octobre 2021, du mercredi au samedi, à 19h

Tél. 01 42 36 00 50. Site : www.lesdechargeurs.fr

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