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Arts-chipels.fr

Feng Xiao-Min. De terre, d’eau, d’air et de lumière.

Opera Gallery Paris propose un séduisant ensemble d'œuvres de cet artiste d’origine chinoise installé en France. La frontière entre figuratif et abstrait y est fluctuante et s'estompe  pour laisser place à des paysages mentaux où la couleur le dispute à l’économie des formes et où la méditation débouche sur le rêve.

Ce pourrait être à l’aube, quand la nature émerge à peine de la brume qui s’élève. Ce pourrait être aussi à cette heure entre chien et loup où l’air semble chargé de l’évaporation du jour, quand les formes deviennent floues, que l’incendie de la fin du jour laisse planer sur le monde les incertitudes du crépuscule. Ce pourrait être quelque part en montagne, quand s’étagent dans le lointain les silhouettes ombreuses des reliefs, dans une semi-obscurité où s’évaporent les contours. Ce pourrait être au bord d’un lac, d’un plan d’eau immobile dont seuls quelques accidents, indéfinissables, viennent perturber la quiétude. Les points de repère ont disparu. L’esprit erre dans un monde qui n’a pas de nom, libéré des contraintes d’un regard orienté, il est rendu à la méditation et au songe.

Feng Xiao-Min, Composition N° 18.1.20, 2020. Acrylique sur toile, 162 x 130 cm

Feng Xiao-Min, Composition N° 18.1.20, 2020. Acrylique sur toile, 162 x 130 cm

Entre Orient…

Feng Xiao-Min vient de Shanghai où il a entamé sa formation à l’Académie des Beaux-Arts avant de rejoindre l’École des Arts puis de choisir de s’installer à Paris en 1988 où il est admis à l’Académie Supérieure des Beaux-Arts pour y approfondir ses connaissances de la peinture et notamment de la technique de l’huile. À une formation très marquée par l’apprentissage de la calligraphie et de la peinture chinoise, il ajoute la découverte et l’exploration de l’explosion colorée de la peinture occidentale. Une manière de conjuguer non seulement des techniques mais aussi des philosophies et des manières d’être au monde. Feng Xiao-Min revendique ce double héritage. Il se réclame d’ailleurs d’un maître chinois, Shi Tao dont le nom signifie « flots de pierre ». Ce moine calligraphe, peintre et poète de la dynastie Qing, au XVIIe siècle, marqua, dans  ses propos sur la peinture et dans sa pratique, la rupture avec les styles traditionnels. Celui qu’on surnomma « le Moine Concombre sauvage » ou « Courge-amère », et qui quitta Pékin pour se retirer dans une simple chaumière du côté de Yangzhou, écarte en effet le jeu de références qui constituent la base de la peinture traditionnelle chinoise. Il joue en particulier, en mouillant le papier, de la diffusion de l’encre et des effets que cette imprégnation provoque. Mais ce qui gouverne son travail de création, c’est l’énergie et le rayonnement – en termes occidentaux nous dirions l’âme – du paysage dont la peinture se doit de communiquer le souffle et que le maître exprime à travers un assemblage de taches, de hachures et de traits de formes diverses. L’art de la calligraphie ressortit du même esprit : s’imprégner de ce qu’on doit écrire, en méditer le sens, avant de tracer dans une immédiateté qui ne laisse nulle place au repentir, le signe, l’idéogramme, habité de ce que l’artiste a accumulé avant de déposer l’encre sur le papier. « Tout le monde peut faire de la peinture, mais personne ne maîtrise la règle du Seul Trait de Pinceau », écrit-il. Cette leçon, Zao Wou-Ki, que le peintre admire et que ses œuvres rappellent, l’avait faite sienne. Feng Xiao-Min reprend la même voie.

Feng Xiao-Min, Composition N°26.11.20, 2020. Acrylique sur toile, 130 x 195 cm

Feng Xiao-Min, Composition N°26.11.20, 2020. Acrylique sur toile, 130 x 195 cm

Et Occident…

Cette peinture où l’immédiateté du geste côtoie la longue méditation s’habille chez Feng Xiao-Min des couleurs que la peinture occidentale, après Gauguin et Van Gogh, a exaltées. Ce sont d’infinies nuances de bleu, tirant sur l’azur, le cobalt, le saphir, la lavande ou l’outremer qui viennent dialoguer avec les roses acidulés, les rouges carmin, pourpre, sang-de-bœuf, feu, amarante ou coquelicot qui composent un paysage de nuances changeantes, ou les jaunes, soufre ou bouton d’or, mimosa, nankin ou chrome qui répondent aux colorations blondes, sable ou ocres. Parfois, dans un continuum de teintes proches en fondu-enchaîné, surgit une coulure qui en perturbe la belle harmonie sans la détruire. Parfois c’est un réseau de fine trame, une résille imperceptible si l’on ne regarde pas le tableau de près, qui vient introduire un tremblement de la vision. Un mât dressé comme un fantôme dont le reflet se défait qui troue, en rouge, blanc ou noir, le bel ordonnancement. Ou encore un coup de brosse qui déchire l’espace et lui octroie une profondeur que la peinture, méditation apposée sur la toile avec une égale épaisseur, sans accident ni relief, sans amas ni grattage, avait négligée.

Feng Xiao-Min, Composition N° 8.9.20, 2020. Acrylique sur toile, 210 x 260 cm

Feng Xiao-Min, Composition N° 8.9.20, 2020. Acrylique sur toile, 210 x 260 cm

Du paysage au rêve

Parfois l’on croit reconnaître une montagne à l’horizon, un arbre abattu dont les branches traînent à terre, une ligne d’arbres qui se détachent en ombre chinoise dans le lointain. Mais bientôt la vision change et, dans ce monde où tout n’est qu’ordre et beauté, calme et sérénité, l’arbre se fait pont, enjambant un espace lacustre, le reflet devient réalité et la réalité reflet, la terre et le ciel semblent échanger leur place, on navigue dans la nébuleuse primordiale d’un monde d’avant que les choses aient un nom. Le regard se fait rêveur, la pulsation du monde devient lointaine, son bruit assourdi ne parvient plus que faiblement dans un univers où on est définitivement ailleurs. On rentre en soi-même en ayant le sentiment de disparaître, de se dissoudre dans la peinture. On dépose en même temps dans le tableau, au-delà de toute interprétation préalablement fournie – et c’est la volonté de l’artiste – ce que l’on souhaite y mettre.

Feng Xiao-Min – Compositions

Opera Gallery – 62, rue du Faubourg Saint-Honoré – 75008 Paris

Du 30 septembre au 18 octobre 2021, du lundi au samedi de 10 à 19h

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