12 Octobre 2021
La Fontaine n’était pas que le fin observateur de la morale de son temps et des travers de la société de son époque. Il a posé un même regard acéré et moqueur sur la face cachée des comportements sociaux , celle qui ne se dit pas, qui se chuchote dans le secret des alcôves et des soirées fines où gaudriole et libertinage remplacent les hautes considérations sur le devenir du monde. Cet autre La Fontaine, nos professeurs, un brin taquins, nous en indiquaient l’existence en ajoutant, l’air de rien « Mais évidemment, ce n’est pas de votre âge », imaginant sans doute que puisque c’était interdit, nous irions voir… C’est celui-là qui forme la matière du spectacle proposé par Jean-François Novelli.
De curés égrillards et portés sur la chose en nonnettes trop prudes et en jeunes filles trop naïves
Dans ces récits plutôt lestes, rien n’arrête notre épicurien coquin. Il fait feu de tout bois, maniant le cocufiage, d’un côté comme de l’autre du couple, avec un bel enthousiasme. Point d’animaux dans cette évocation mais des hommes qui forniquent comme des bêtes. Épouse trop naïve auquel le curé fait croire que l’enfant dans son ventre n’est pas fini et qu’il est nécessaire qu’il « s’occupe » d’elle pour le terminer – et qui en redemande – jeune fille innocente, plutôt benête, qui cherche auprès d’un prêtre à acquérir l’esprit qui lui manque, bien sûr situé au-dessous de la ceinture et que le religieux aura à cœur de révéler, nonnes trop convoitées dont la cornette affole les désirs et la concupiscence, la liste est longue et La Fontaine la dépeint avec une gourmandise amusée bien loin de la bienséance.
En théâtre et en chanson
En costume contemporain et sur une musique d’Antoine Sahler qui ne doit rien au siècle de La Fontaine, Jean-François Novelli explore le parcours de ce libertinage qui, il n’y a pas si longtemps encore, circulait sous le manteau et était de mise, entre « hommes », dans les plaisanteries. Que la musique emprunte au genre de la chanson populaire ou au jazz lorsque l’histoire explore en plusieurs épisodes les hésitations et les atermoiements d’une nonne malade dont le remède, selon la Faculté, passe par le sexe, elle s’inscrit dans le registre de la modernité. C’est que les contes de ces pratiques que nous fait La Fontaine, les récentes affaires dévoilées sur les abus sexuels en tout genre des dernières décennies sont venues en rappeler la pérennité, même si la forme en a changé, et donner un tour beaucoup moins drôle aux situations dont se rit La Fontaine. Jean-François Novelli le rappelle, d’ailleurs. Et, pour politiquement incorrect que ce spectacle soit, peut-être, on se rappellera que, si au temps de La Fontaine, les rieurs étaient du côté des prédateurs, on aimerait qu’aujourd’hui il n’en soit plus de même…
Croustilleux La Fontaine
S Texte Jean de La Fontaine S Adaptation Juliette, Jean-François Novelli, Antoine Sahler S Mise en scène Juliette
Avec Jean-François Novelli (chant) et en alternance Nicolas Royez ou Romain Vaille (piano) S Durée 1h
Théâtre les Déchargeurs – 3, rue des Déchargeurs – 75001 Paris
Du 8 au 3o octobre 2021, les mercredi et jeudi à 21h
Tél. 01 42 36 00 50. Site www.lesdechargeurs.fr