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Arts-chipels.fr

De ses mains. De l’art de tisser du lien pour en jouer.

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Métaphore sur le tissage et le lien, ce beau spectacle qui mêle disciplines circassiennes, danse et musique invite le public à une cérémonie dans laquelle le thème de la relation est au cœur.

Sur scène, une sorte de rideau fait de fils épais assemblés par groupes est dressé. À jardin, des bobines de fil de diverses couleurs forment le pendant enroulé de ces fils retombant vers le sol. Une harpe est disposée côté cour. Ses cordes forment autant de fils tendus sur un cadre de bois. Dans cet univers du fil, quatre personnages vont évoluer : trois acrobates qui sont cordistes et danseurs, une musicienne et chanteuse.

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Variations autour du groupe et du nœud

Ces cordistes – deux femmes et un homme – sont de sexe et d’âge différent. Masculin et féminin, jeune et âgé, ils symbolisent l’espèce humaine – et le public en fait partie –, le cœur du spectacle. Sur un rythme lent, comme lors d’une cérémonie dont chacun doit s’imprégner, ces artistes circassiens nous entraînent dans un monde où plastique et philosophie avancent de pair. Les fils du rideau sont assemblés par groupes, noués de telle sorte qu’ils ne se bloquent jamais et qu’à tout moment ils puissent reprendre leur forme initiale. Belle image de la liberté qu’on peut trouver dans une association en conservant le pouvoir de faire et défaire. Sur les groupes de fils ainsi noués, un point d’appui est créé pour que s’élèvent les acrobates. Ils s’aventurent ainsi de plus en plus haut sur le rideau, explorant toutes les possibilités offertes par les associations et profitant de la part de risque qu’elles autorisent : passer d’un groupe à l’autre, mettre la tête en bas, se laisser glisser parce qu’on a un arrêt… Plus tard le public sera invité à quitter sa place pour, à son tour, suivre le fil qui abordera le thème du tissage et du lien.

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

L’aboutissement d’un travail de recherche

Cécile Mont-Reynaud s’intéresse depuis près de vingt ans aux rapports du corps et de l’espace et aux espaces que le corps définit. Sa rencontre avec l’artiste tisserande Simone Prouvé la conduit à s’intéresser au tissage. La pensée écosophique de Tim Ingold sur les lignes fait le reste. Cet anthropologue britannique explore les questions philosophiques, sociétales et politiques liés aux traits, gestes et sillons tracés par les hommes et aux relations qu’ils tissent entre eux et avec leur environnement. Tisser des liens, s’intéresser à la chaîne comme à la trame ne seront pas seulement dans le spectacle une source de réflexion et un exercice de la pensée, mais aussi une pratique corporelle confrontée au tissage proprement dit. Bien des explorations sont possibles. Les ouvertures créées par l'élargissement de l'espace entre chaîne et trame dans le tissu offrent l'opportunité de regarder au travers, le tissage peut se faire cachette, refuge et point d’appui. Un texte vient par instants nous rappeler que chaîne et trame ont partie liée, ou que le lien, le nœud et le tissu peuvent s’entendre de diverses manières.

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Une symphonie plastique

Au-delà des considérations philosophiques qui sous-tendent le spectacle, celui-ci demeure un objet plastique fascinant. La création musicale nous transporte ailleurs, dans un monde où les références orientales s’imprègneraient d’art zen sans renoncer à l’électronique ou à la distorsion sonore. La parole est tissée. L’art des drapés que les assemblages savants de ces fils dessinent est un enchantement. Le doux sourire des cordistes et la complicité qu’on sent entre eux participent de ce moment comme suspendu dans le temps comme il l’est dans l’espace. Et, petits et grands, personne ne s’y trompe. La qualité d’attention des enfants durant le spectacle est là pour le dire : le moment vécu est un moment partagé…

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

De ses mainsConception & mise-en-scène Cécile Mont-Reynaud

Compagnie Lunatic (www.cielunatic.com)  S Scénographie & lumières Gilles Fer S Composition Hélène Breschand S Création sonore numérique Thomas Mirgaine avec la complicité de Wilfried Wendling & d’Axel Ombade S Textes originaux Laurence Vielle S Arts plastiques & collaboration à la mise en scène Chloé Cassagnes S Accompagnement à la mise en scène & à la dramaturgie Eleonora Gimenez S Costumes Mélanie Clénet S Aides à l’écriture Paola Rizza & Eric Deniaud S Collaborations artistiques Simone Prouvé (tissage), Alvaro Valdes Soto et Inbal Ben Haïm (aériens et tissage), Marc Feld (peinture), Levent Beskardes & Marie Boccaccio (langue des signes), Sika Gblondoumé (composition électroacoustique in situ pour les projets de territoire) S Administration / production Corentine Poncet, Judith Hillebrant & Chloé Tesnière S Interprètes Hélène Breschand (fil rouge musical), Alvaro Valdes Soto (ou Inbal Ben Haim, en alternance) & Zoé Maistre (acrobatie aérienne), Sarah Fer (une enfant) S Régie son / régie générale Axel Ombade

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