16 Mai 2022
N’en déplaise à nos camarades du sexe dit faible, qui chargent la gent masculine de tous les maux, il n’est pas plus facile d’être un garçon que de se réaliser en tant que fille et femme. Petite démonstration par l’exemple…
On a tendance à dresser des hommes un portrait stéréotypé et caricatural qui commence maintenant à faire date. N’empêche que les clichés ont la vie dure et que dans l’effort – louable – de notre société de redresser la barre se nichent à n’en pas douter autant d’excès ou de difficultés qu’en comportaient les siècles passés. Après avoir passé les femmes et leurs attentes au crible dans Quand je serai grande… Catherine Hauseux et Stéphane Daurat reprennent le principe d’une écriture théâtrale tirée d’entretiens, cette fois-ci avec des hommes. Un collectage de témoignages effectué lors d’une résidence d’écriture que Catherine Hauseux introduit sur scène.
Portraits pas robots de l’homme moderne
Les personnages-types qui ont été dégagés couvrent dans leur ensemble toutes les générations du dernier demi-siècle. Jeunes gens dans la vingtaine, quinquagénaires ou septuagénaires, ils correspondent aux strates de l’évolution qui a marqué notre société. Ni mieux ni pires que beaucoup d’autres, souvent d’ailleurs beaucoup plus attentifs que ce qu’on imaginerait, ils échappent au poncif du macho qui traite les femmes comme de la viande – sois belle et tais-toi, devoir d’obéissance et compagnie. Tous, à des degrés divers et dans un registre différent, témoignent cependant d’un mal-être qui remonte, le plus souvent à l’éducation et à l’enfance. Qu’ils aient, ou aient eu une femme au foyer ou une qui travaille ou même qu’ils s’en cherchent une, ils ont la même maladresse touchante lorsqu’ils évoquent leur difficulté à définir – et à plus forte raison à être – des hommes.
Des portraits variés comme la vie même
Le spectacle isole certains de ces témoignages. Mis bout à bout, ils tracent des portraits d’hommes « ordinaires ». Du père au foyer qui s’occupe des enfants, du ménage et des courses à celui qui considère que si la femme travaille c’est seulement « pour mettre du beurre dans les épinards », de ceux qui ont pris de l’âge habitués à un certain rituel à ceux, de plus en plus nombreux, qui partagent les tâches domestiques et la charge de l’éducation des enfants, ils dessinent à eux tous un paysage varié. Il y a ceux qui n’envisageraient pas que leur femme gagne mieux sa vie qu’eux et ceux qui s’en accommodent, ceux qui n’ont jamais vu leur père faire la vaisselle et celui qui se sent agressé par les MeToo et l’application hashtag #grosporc, qui repasse ou étend le linge, ceux qui se battent pour être pères à part entière alors que dès la naissance de l’enfant, ils sont à côté et que les enfants sont confiés presque exclusivement à la mère après un divorce, ceux qui s’attaquent au vocabulaire en regrettant que le mot « paternage » ne soit pas passé dans les mœurs. Il y a ceux qui, à force de renoncements pour que ça marche, se sont perdus en route. Et puis il y a ceux que les filles tétanisent, qui ont peur de ne pas savoir y faire et qui écoutent les autres, pas plus malins, fanfaronner. Ces hommes-là, tous, sont l’autre versant, celui dont on ne parle pas parce que justement, il essaie de ne pas faire de vagues.
Mais au fond, c’est quoi être un homme ?
Ils racontent : qu’un garçon ça ne pleure pas, que toute son enfance on lui serine qu’il doit être un homme et que ces phrases nous échappent, même lorsque nous sommes vigilants, qu’il y a des jeux pour filles (la poupée) et d’autres pour les garçons (le foot) et gare au mélange. Que le « tu seras un homme, mon fils » va de pair avec les combats de coqs pour être le meneur, le chef. Qu’être petit et malingre est une tare. Que préférer la lecture aux jeux « virils » fait de vous un souffre-douleur et que montrer ses émotions est une faiblesse. Ils disent l’homophobie qui frappent certains d’entre eux, l’hostilité et le rejet du père, les préjugés attachés aux homosexuels. Ils disent leur détresse de ne pas savoir comment être ce qu’ils devraient être. Ils cherchent une issue qu’ils ne trouvent pas. Ils citent Platon qui postule la présence du masculin et du féminin dans chaque être.
Quand je serai grande...
Les questionnements qu’ils agitent, on pourrait parfois simplement les retourner tant ils entrent en résonnance avec ceux que les femmes d’aujourd’hui pourraient parfois se poser. C’est pourquoi Quand je serai un homme forme un diptyque avec Quand je serai grande… tu seras une femme, ma fille, que Catherine Hauseux avait consacré à « être femme ». Inspiré par de nombreux témoignages, mais pas seulement, les portraits générationnels de femmes qui y sont dépeints nous éclairent sur leur vécu dans le monde actuel, le regard qu’elles portent sur leur héritage, sur ce qui les environne ou sur leur parcours personnel. En interrogeant le passé, la pièce dresse un état des lieux du présent et se projette dans l’avenir. Pour que la guerre des sexes n’ait plus lieu d’être et que s’instaure le vivre ensemble, reléguant le conflit dans l’armoire aux vestiges archéologiques. En attendant, ces deux textes montrent l’importance d’écouter ce que l’autre a à dire pour avancer dans la même direction…
Quand je serai un homme. De et avec Catherine Hauseux et Stéphane Daurat (et la complicité de Jérôme Ragon)
En Avignon en juillet 2022, les jours pairs à 11h35, aux 3 Soleils, 4 rue Buffon, 84000 Avignon
Quand je serai grande. De et avec Catherine Hauseux. Mise en scène Stéphane Daurat
En Avignon en juillet 2022, les jours impairs à 11h35, aux 3 Soleils, 4 rue Buffon, 84000 Avignon
Tél. 06 20 17 42 18 www.les3soleils.fr