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Arts-chipels.fr

Playlist. Choisir sa vie, ses musiques et les histoires d’amour qui vont avec…

Playlist. Choisir sa vie, ses musiques et les histoires d’amour qui vont avec…

Nine Antico, une dessinatrice de BD déjà confirmée, explore les terres du cinéma et aborde la réalisation pour la première fois avec un film au ton décalé et à l’humour caustique où elle se raconte mais parle aussi de toute une jeunesse pleine d’attentes souvent déçues.

Une vie comme tant d’autres. Indifférence et silencieuse solitude dans le métro, remarques acerbes de sa coloc’ quand on rentre chez soi à cause de la sauce qui traîne, de la vaisselle pas faite… rien ne distingue Sophie de milliers de jeunes de son âge. Rien sinon le fait qu’elle dessine, sans cesse, dans des petits carnets qu’elle transporte avec elle en permanence. Aussi, lorsqu’un éditeur de BD lui propose une poste d’attachée de presse-secrétaire-femme à tout faire, elle troque son boulot alimentaire de serveuse avec des étoiles plein des yeux… Mais la réalité ne s’avère pas à la hauteur de ses espérances…

Playlist © Atelier de production

Playlist © Atelier de production

Un caractère autobiographique, mais pas que

Pour sa première réalisation, Nine Antico choisit de dépeindre une jeune femme qui lui ressemble. Comme elle, elle dessine sur des carnets. Comme elle, elle se rêve dessinatrice de romans graphiques – Nine Antico, elle, est déjà publiée. Comme elle, elle n’a pas fait d’école d’art. Comme elle, elle pose sur les travers du petit monde de la BD un regard aigu et critique. Mais l’autoportrait donne naissance à la peinture de toute une génération, en phase de construction entre plusieurs eaux, plusieurs mondes. Le personnage de Sophie Le Gall porte en elle les galères de son âge. Les appels irrésistibles des hormones, où amour et baise sont sur le même plan et où les problèmes de retard de règles et d’avortement leur font escorte. Un quotidien qui se découpe en petits boulots dans l’attente d’un avenir plus radieux, en échanges entre copines sur tout et rien, en bars et boîtes où l’on cherche à s’éclater, où l’on traîne lors de soirées interminables dans l’attente de quelque chose qui ne viendra pas – ou peut-être, par accident – et en visites aux parents…

Playlist © Atelier de production

Playlist © Atelier de production

Souvenirs-souvenirs

Cette évocation, qui est de notre temps ou presque, Nine Antico choisit de la filmer en noir et blanc. Pour le côté vintage du noir et blanc, pour son côté chic, pour la référence au « beau » cinéma d’art et d’essai qui a bercé nos découvertes cinéphiliques mais aussi pour la charge de nostalgie que comporte l’absence de la couleur. On est du côté souvenirs-souvenirs et le hiatus entre cette fable éminemment moderne et la manière de filmer lui donne un côté à la fois anachronique et charmant. L’image du roman-photo s’impose également, avec ces scènes commentées par une voix off masculine, un commentateur au ton décalé style dandy traînant un ennui de bon goût ou acteur de la Nouvelle Vague posant sur ce qui l’entoure un regard décillé, légèrement sarcastique. Une impression renforcée par la manière de filmer.

Playlist © Atelier de production

Playlist © Atelier de production

Entre film et BD

On a vu la bande dessinée pour adultes essaimer dans le domaine du cinéma ces dernières années alors que le roman graphique s’imposait, à partir des années soixante, comme un art à part entière, un « neuvième art » – qu’on se souvienne simplement, pour mémoire, qu’en 1971, Pierre Bourdieu classait encore le cinéma, la photographie et la bande dessinée comme arts « en voie de légitimation »… Playlist n’est, lui, pas issu d’un roman graphique mais une création à part entière, avec un scenario original. Il n’empêche que le film tout entier dit l’univers de la bande dessinée. Composé d’une suite de plans fixes, à la manière de dessins saisissant une situation à un instant donné, il adopte un cadrage qui alterne plans rapprochés, voire très rapprochés, focalisés sur un détail du visage ou un regard, et plans d’ensemble, plus larges. Cette construction dont les mouvements de caméra sont absents lui confère une originalité certaine, pas toujours exempte de frustration pour le spectateur.

Playlist © Atelier de production

Playlist © Atelier de production

Playlists en tout genre…

La musique joue un rôle fondamental dans cette évocation. Elle est le ciment d’une génération, une manière de se définir, de s’affirmer face aux airs de papa des générations précédentes, le moyen de « quitter une famille et de s’en créer une nouvelle ». Nine Antico a privilégié une musique pop-indé proche des années 1990, une sorte de trait d’union entre l’innocence de la pop sixties et le do-it-yourself du punk et post-punk, une musique bricolée, « lo-fi », à l’écart des grandes compagnies de disques. La chanson de Daniel Johnston, True Love Will Find You in the End, y revient comme un leitmotiv, accompagnée par celle de Gainsbourg interprétée par Nana Mouskouri, les Yeux pour pleurer. Parce que cette playlist n’est pas seulement celle d’une génération mais aussi celle d’un parcours amoureux. Elle est portée par les garçons qui ponctuent la recherche de soi qu’entreprend Sophie avec une obstination forcenée en dépit des obstacles mais constitue aussi le reflet de ses états d’âme. Et ces garçons, qui alimentent la réalité de Sophie comme ses fantasmes, forment à leur tour la playlist des désirs amoureux de la jeune femme, où les hommes se succèdent… Playlist, à travers ses multiples parcours d’un apprentissage chaotique, s’affirme comme un film reflet attachant d’une génération, dont le devenir s’inscrit encore en pointillés…

Playlist. S Réalisation et scénario Nine Antico S Avec : Sara Forestier (Sophie), Laetitia Dosch (Julia), Inas Chanti (Louise), Pierre Lottin (Jean), Andranic Manet (Benjamin), Mathieu Lescop (François Daniel), Grégoire Colin (Le boss), Anne Steffens (La maquettiste), Santiago Barban (Anthony), Killofer (Killofer), Jackie Berroyer (Le père de Julia), Cyril Pedrosa (Le graphiste), Bertrand Belin (Le narrateur).

S Production Thomas Verhaeghe, Mathieu Verhaeghe S Direction de production François Pichon S Régie Jérôme Pinot S Assistanat réalisation Morgane Bertin S Image Julie Conte S Son Olivier Pelletier, Simon Poupard, Niels Barletta S Costume Ariane Daurat S Maquillage Bénédicte Trouvé S Montage Carole Le Page S Décors Juliette Doyard, Claire Catelas

Sortie en salles : 2 juin 2021

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