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Arts-chipels.fr

Qui arrosera les plantes quand je ne serai plus là ? Mortellement drôle…

Qui arrosera les plantes quand je ne serai plus là ? Mortellement drôle…

Ces tribulations délicieusement loufoques et très documentées mêlent avec une aisance confondante vérités scientifiques, citations littéraires et poncifs mis à nu pour nous offrir un florilège plutôt mordant de la mort dans tous ses prolongements.

Odette Lafleur n’a pas froid aux yeux. Sa passion : c’est la mort, sous toutes ses formes et dans tous ses états, du moment où le fœtus se forme, bien à l’abri dans le cocon du ventre maternel, jusqu’à la fin finale, avec tout ce qui l’entoure. Pourquoi ? parce que, comme tout le monde, elle a peur de mourir. Alors, elle tourne autour, de la mort, elle en fait une compagne de tous les instants, espérant qu’elle pourra ainsi conjurer la peur, l’apprivoiser comme on fait avec un animal domestique. Elle s’informe, se documente, échange avec sa meilleure copine, entame avec elle le parcours du combattant.

© DR

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De la science aux avatars de la croyance

Elle a un petit côté obsessionnel, l’Odette. Sanglée dans sa combinaison élégamment gris perle, elle nous invite, tableau noir à l’appui, à une démonstration par a plus b de l’impossibilité où nous sommes de considérer, comme il est couramment admis, qu’il existe globalement trois phases à la vie humaine : la première, qui part de la conception, du spermatozoïde et de l’ovule, où nos cellules se construisent et se différencient – naître ; la deuxième, qui a la durée de notre vie, où nos cellules, nos terminaisons nerveuses et la manière dont les informations se transmettent dans notre corps fonctionnent avant de se dégrader – vivre ; la dernière, où nous ne serions plus que viande inerte que l’esprit a désertée – mourir. Erreur fatale, dit Odette. Du moment où nous commençons à nous diviser – pas forcément pour régner – certaines de nos cellules sont condamnées à mourir pour que se creusent les veines et le cœur pour irriguer le corps, ou que se crée le système digestif qui nous permettra d’alimenter la machine. À peine vivants, nous voilà déjà morts. Donc retour à la case départ…

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Vivre avec...

Puisqu’on ne peut l’éliminer, cette mort, pense Odette, alors collaborons. Laissons-la vivre. À force de la côtoyer, elle deviendra presque « normale ». Odette se lance « en immersion » comme elle dit, dans cette quête de la mort à tout crin. Elle la traque dans ses manifestations les plus intimes comme dans ses apparitions publiques. Trois fois par jour, elle mime un arrêt cardiaque, un étouffement ou tout autre motif de mort violente. Elle s’intéresse au polar, débat de la meilleure opportunité à fréquenter les EHPAD ou les services d’urgence, s’intéresse aux thanatopracteurs qui maquillent les morts comme aux fossoyeurs qui les enterrent, écarte l’armée où les pertes humaines ne sont que des dommages collatéraux, s’intéresse aux modes d’ensevelissement comme aux incinérations, compare leurs bilans carbone, bref, elle passe en revue tout l’arsenal de la mort en son jardin.

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Sens et non-sens

Dans ce questionnement du « pourrir ou ne pas pourrir », des fonctions qui survivent à la mort clinique et du poids putatif de l’âme, on navigue dans un univers absurde où non contents de « mourvivre », nous nous posons la question de mourir bio, de transformer nos cendres en carbone pur pour en faire un collier de diamants, de nous survivre à travers la cryogénisation ou la recherche de la vie éternelle orchestrée par Google, de capter nos odeurs pour accompagner notre dépouille, ou encore de créer un QR code qui renverra à notre voix pour parler de nous par-delà la mort. Sur les pas d’Odette, nous naviguons dans le nonsense avec une allégresse jouissive.

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L’art de la citation

Le tableau ne serait pas complet si ne venaient s’y mêler des œuvres littéraires. Les plaisanteries de Desproges sur le vivre à mort, le récit presque clinique que Proust fait du décès de sa grand-mère, le suicide de Maïakovski, la tête dans les étoiles ou l’incontournable William Shakespeare, qui tue à tour de bras dans son théâtre s’invitent devant le cercueil. Et que dire de Roméo et Juliette où la fausse mort de Juliette provoque celle – réelle, par le poison – de Roméo avant la sienne propre, poignard en main – c’est t’y pas dommage ? Anne de Peufeilhoux exploite son passé de biologiste pour nous expliquer simplement à quel point les interactions entre la vie et la mort sont complexes tout en nous guidant dans son inventaire à la Prévert du champ funéraire. On savoure avec une délectation gourmande cette promenade en terres pas toujours consacrées et on rit beaucoup. Noir, bien sûr…

Qui arrosera les plantes quand je ne serai plus là ? De et par Anne de Peufeilhoux

Spectacle à partir de 12 ans.

Mise en scène : Céline Bothorel. Scénographie : Gérald Ascargorta

À la Comédie Nation – 77, rue de Montreuil – 75011 Paris

Site : www.comedienation.fr Tél. : 01 48 05 52 44

Les jeudis, du 10 juin au 29 juillet à 19h

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