26 Avril 2021
Vivre dehors… C’est ce que nombre de Parisiens ont fait ces derniers jours tant la température était clémente et le besoin d’air pur nécessaire. Parfois au mépris des règles élémentaires de prudence qui s’imposent encore…
Le monde du spectacle se remet – avec hésitation – en ordre de marche et on saura bientôt à quelle sauce on mangera théâtres, musées et salles de concert. Avignon se profile, avec son immense marché du théâtre dont nul ne sait à l’heure actuelle quelle forme il aura – s’il en a une. Restons cependant optimistes et jouons en majeur et sans bémol le refrain de la reprise. Continuons aussi de saluer les initiatives et propositions qui continuent d’alimenter la Toile.
Au Théâtre du Rond-Point
Quand on ne peut plus aller au théâtre, le spectacle vient à vous
C’est la démarche qu’adopte Catherine Vrignaud Cohen. Ce qui l’intéresse, c’est la rencontre – avec des habitants, à Sartrouville, avec le personnel soignant et les malades à l’hôpital Fernand Léger d’Argentan – dont elle tire des portraits, des parcours de vie, des sons, des images qui permettent aux résidents d’une même ville d’aller à la rencontre des autres. À Sartrouville, avec les Portraits de ville(s), l’idée est que chaque personne, couple, famille, amis… invite l’artiste à découvrir un lieu qu’il affectionne : le parc d’à côté, sa cuisine, une salle d’association, une rue… Le temps d’une heure, ils échangent sur leur parcours de vie à travers leurs lieux d’habitation et forment une cartographie géographico-intime. De chaque échange, Catherine Vrignaud Cohen fait un diptyque (un portrait en noir et blanc et le lieu vide, photographié en couleurs, assortis d’une citation extraite de l’entretien). Ces diptyques (une trentaine) seront affichés dans les rues de la ville, le théâtre (quand il ouvrira), la mairie, les bibliothèques… Avec Chambre témoin / Femmes flottantes, réalisé en partenariat avec l’hôpital Fernand Léger d’Argentan, elle se propose de créer un échange entre l’hôpital, la culture et les habitants. Avec un enregistreur sonore, elle va arpenter les couloirs et récolter les témoignages d’infirmier.ère.s, d’auxiliaires de puériculture, d’aide-soignant.e.s, de médecins, de chirurgien.ne.s… mais aussi de patients de ces chambres qui contiennent une histoire singulière. De sa moisson, Catherine Vrignaud Cohen va extraire des capsules sonores de quelques minutes. Ces voix vont s’entremêler, se répondre pour créer un récit sonore de l’hôpital dans le cadre d’une installation plastique. Une chambre d’hôpital sera reconstituée pour l’occasion (le lit, la table à roulette, la perfusion, le berceau de l’hôpital, la table à langer, le dossier médical, un stéthoscope...). Des QR code disposés à cinq endroits différents (sous l’oreiller, à la perfusion, sur la table…) donneront accès à l’audio. L’installation, appelée Chambre témoin sera itinérante (hôpital, Quai des Arts et médiathèque) pour donner à entendre ces voix hors de l’hôpital. Cette installation s’accompagne d’une exposition de photographies, Femmes Flottantes, où sera montrée une série de Catherine Vrignaud Cohen sur le thème du féminin et de l’intime. La récolte de témoignages se déroulera du 18 mars au 14 mai, l’exposition Femmes flottantes à partir du 24 mai, l’exposition Chambre témoin à partir de mi-juin.
Un spectacle en salle à venir : Chambre 2, un seul.e en scène
Béatrice est auxiliaire de puériculture dans le service maternité d’un hôpital. Chambre après chambre, elle prend soin de ces corps qui ont traversé des tsunamis d’émotions. À chaque ouverture de porte, une histoire singulière. Sensible et vulnérable, Béatrice reçoit de plein fouet ces cœurs à vif, ces âmes en morceaux. Elle voudrait respirer, elle voudrait s’arrêter, reprendre son souffle. Tous ces fragments de récit font écho à sa propre histoire. Chambre 2 est l’adaptation d’un roman de Julie Bonnie pour le théâtre. Le récit choral de femmes qui deviennent mères, d’une femme qui cherche sa place dans ce monde et d’un hôpital à bout de souffle sont réunis en une seule : celle de Béatrice, une anti-héroïne. Sur ce chemin de la liberté, elle va s’affranchir de son désir de normalité, de l’obligation de perfection, pour devenir elle-même…
Dates de représentations de Chambre 2 reportées sur la saison 21/22 (sous réserve d’ouverture des théâtres) :
27 mai 2021 au théâtre du Cormier (Cormier en Parisis)
3 et 4 juin 2021 au CDN de Sartrouville (Sartrouville)
8 juin 2021 au Quai des Arts (Argentan)
23 novembre 2021 - 15 janvier 2022 une quarantaine de représentation à la Reine Blanche
Parmi les autres projets en cours, Résonance intime mêle laboratoire d’écriture, marionnette et photos autour d’une partie du corps des participants (atelier du 18 février au 24 juin, vernissage de l’exposition le 24 juin).
Rachel Ruysch, Nature morte, fleurs dans un vase, 1690-1720, Rijskmuseum, Amsterdam ; Clara Peeters, Nature morte aux fromages, artichaut et cerises, vers 1625, LACMA, Los Angeles ; Anne Vallayer-Coster, Nature morte avec panache de mer, coquillages et litophytes, 1769, Musée du Louvre, Paris
MOOC culturels d’Orange : la nature morte des femmes peintres
De la même manière qu’aux débuts de la photographie, et parce qu’elles n’avaient pas accès aux séances de pose de modèles vivants, nombre de femmes se sont repliées sur le monde de l’intime. Elles ont été nombreuses à exceller dans le genre de la nature morte. C’est ce qu’on peut découvrir dans la séquence « De la figuration à l’abstraction ». Et si vous avez envie d’exercer votre créativité, vous pourrez composer, dans l’activité de la séquence, des natures vivantes, célébrant la joie, le renouveau et les plaisirs de la vie humaine. https://mooc-culturels.fondationorange.com/login/index.php
Opera si, opera la
Ariane et Barbe bleue, le seul opéra de Paul Dukas
Sur la scène du Théâtre du Capitole à Toulouse. Créé en 1907 à partir d’un livret de Maurice Maeterlinck, le « conte musical » Ariane et Barbe-bleue retrace les aventures de la sixième et dernière épouse de Barbe-bleue. On connaît l’histoire de la clé confiée, avec interdiction de s’en servir. Comme on le sait, Ariane enfreint l’interdit… pour découvrir les cinq épouses précédentes. Mais les délivrer n’est pas chose aisée tant les résistances sont nombreuses… et pas nécessairement par celui qu’on croit… https://www.france.tv/spectacles-et-culture/theatre-et-danse/2431791-ariane-et-barbe-bleue-de-paul-dukas-au-capitole-de-toulouse.html#xtor=EREC-50-[culturebox]-20210423-[gabaritA]&pid=726375-1480679297-b50b94f1
… et Norma, de Bellini
Avec sa dose d’amour, de déchirement et de sacrifice, toujours au Capitole…https://www.france.tv/spectacles-et-culture/theatre-et-danse/2431799-norma-de-bellini-au-theatre-du-capitole-de-toulouse.html#xtor=EREC-50-[culturebox]-20210423-[gabaritA]&pid=726375-1480679297-b50b94f1
Un documentaire d’Arnaud Desplechin à la Cinémathèque
Avec l’Aimée, c’est dans la ville de Roubaix, sa ville natale, qu’Arnaud Despleschin tourne ce documentaire sur sa grand-mère. La Cinémathèque offre ce film en visionnage sur sa plateforme VOD Henri. « Le narrateur a perdu une femme aimée. Il n'a pas de photo de la disparue, pas une image sinon deux dessins maladroits. Et c'est un deuil sans fin... […] Le père est en train de vendre la maison familiale. Aussi, le narrateur décide de filmer l'endroit où il a grandi. À travers le récit de son père, il collecte ainsi les images de ces femmes aimées, tous les visages des mortes se répondant l'un l'autre... Tandis que la maison s'évanouit, les souvenirs réparent. A-t-on jamais connu celle que l'on croit avoir aimée ? Bien sûr, nous n'avons cessé de méconnaître, ignorants et maladroits. Mais l'aimée, elle, nous a connus. Et c'est là un secret de l'amour. » Arnaud Desplechin
« Arnaud a envie ou besoin de tourner en 35 mm, c'est un film de famille […] Donc une équipe, une maison, celle où Arnaud, son frère et ses sœurs ont été élevés, une de ces maisons du Nord, étages et briques, comme celle de La Vie des morts, le premier film d'Arnaud, film de famille déjà. Devant la caméra, des hommes vivants pour évoquer des femmes mortes. Le père et ses deux fils, l'un solaire, l'autre lunaire, les fils du premier, toute la blondeur de l'enfance, magnifiques à regarder à travers la visée. Les femmes sont la mère du père, éloignée des siens par la maladie, à laquelle on a montré son petit garçon depuis un jardin ou depuis une fenêtre. Le père parle de tout cela avec une simplicité grave et des amusements soudains, il ressemble un peu à Bernard Pivot, portant ses lunettes tantôt sur le nez tantôt sur le front, il est follement sympathique. Arnaud l'interroge comme un enfant questionne son père : scène de famille, mais une caméra filme, d'une pièce à l'autre, toujours des amorces de porte en premier plan, des perspectives un peu compliquées comme dans ces situations où l'on perçoit ce que se disent les gens depuis une autre pièce, une indiscrétion attentionnée. Il y a aussi les deux sœurs de la mère, Tanteu au visage singulier et Rose-Aimée, homosexuelle, s'habillant en costume d'homme, personnage de fiction qui me plaît beaucoup sur les photos d'époque que s'échangent Robert le père et Arnaud le fils […] Beaucoup plus tard, j'ai compris que ‘‘l'aimée’’ était peut-être une autre femme, l'analyste d'Arnaud, soudainement décédée, et que ces morceaux épars que nous avions ramassés ensemble étaient comme les cailloux qu'on dépose sur les tombes juives. » Caroline Champetier. https://www.cinematheque.fr/henri/film/103618-l-aimee-arnaud-desplechin-2006/
Les films sur la chaîne Vimeo de l’Institut culturel italien
Du vendredi 30 avril à 19h au lundi 3 mai à 19h, In aquis fundata (Italie, 2017, 65’, vostf), documentaire réalisé par Andrea De Fusco
Un charpentier, un champion d'aviron, un plongeur, un marchand de poisson et un pêcheur : cinq Vénitiens continuent de trouver dans l'eau le sens de cette ville unique. En dehors de l'image stéréotypée de la carte postale, des protagonistes marginaux et presque invisibles sont les derniers vrais Vénitiens. Pour voir la bande-annonce (sous-titrée en anglais) c’est ici. Informations et réservation ici.
Pasolini, Pasoliniennes, Pasoliniens ! à la BPI, du 1er avril au 21 juin
Ce nouveau cycle gratuit de La Cinémathèque du documentaire de la Bibliothèque Publique d’Information, réalisé en collaboration avec l’Institut permet de découvrir les documentaires de Pasolini, mais aussi le travail d’autres cinéastes marqués par lui. Un espace particulier est dédié à Cecilia Mangini, récemment disparue, dont les croisements avec Pasolini sont nombreux. Plus d’informations et inscription ici.
Et les courts métrages proposés par le Kerfany…
ZÉRO. Réalisé par Célérier Anthony, Tony T. Datis (10’). Fiction – conte / fable, humour, tous publics 6-9 ans. Au cœur d’un petit parc de banlieue, un jeune garçon est sur le point de dévoiler son secret à son camarade de classe... https://www.youtube.com/watch?v=L9COmOdpRGY Et, jusqu’au 28 avril (présentation dans Coronavirus n° 52) Balloonland, une histoire de toons à rebondissements https://www.youtube.com/watch?v=Ugx5bHAulkk Repas dominical (art & essai) https://www.youtube.com/watch?v=dlgHwoC7X84 T’étais où quand Michael Jackson est mort (art & essai) |
Pour finir, un peu de poésie (dans un monde de brutes), quelques vers d’Apollinaire, pour garder en mémoire les errances géographiquement réduites mais ô combien nécessaires aujourd'hui dans un Paris où explose le printemps, et le vibrant appel d’Éluard à une liberté à retrouver…
Guillaume Apollinaire (1880 - 1918), la Chanson du mal-aimé (extrait)
Voie lactée ô sœur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivrons-nous d'ahan
Ton cours vers d'autres nébuleuses
Les démons du hasard selon
Le chant du firmament nous mènent
A sons perdus leurs violons
Font danser notre race humaine
Sur la descente à reculons
Destins destins impénétrables
Rois secoués par la folie
Et ces grelottantes étoiles
De fausses femmes dans vos lits
Aux déserts que l'histoire accable
Luitpold le vieux prince régent
Tuteur de deux royautés folles
Sanglote-t-il en y songeant
Quand vacillent les lucioles
Mouches dorées de la Saint-Jean
Près d'un château sans châtelaine
La barque aux barcarols chantants
Sur un lac blanc et sous l'haleine
Des vents qui tremblent au printemps
Voguait cygne mourant sirène
Un jour le roi dans l'eau d'argent
Se noya puis la bouche ouverte
Il s'en revint en surnageant
Sur la rive dormir inerte
Face tournée au ciel changeant
Juin ton soleil ardente lyre
Brûle mes doigts endoloris
Triste et mélodieux délire
J'erre à travers mon beau Paris
Sans avoir le cœur d'y mourir
Les dimanches s'y éternisent
Et les orgues de Barbarie
Y sanglotent dans les cours grises
Les fleurs aux balcons de Paris
Penchent comme la tour de Pise
Soirs de Paris ivres du gin
Flambant de l'électricité
Les tramways feux verts sur l'échine
Musiquent au long des portées
De rails leur folie de machines
Les cafés gonflés de fumée
Crient tout l'amour de leurs tziganes
De tous leurs siphons enrhumés
De leurs garçons vêtus d'un pagne
Vers toi toi que j'ai tant aimée
Moi qui sais des lais pour les reines
Les complaintes de mes années
Des hymnes d'esclave aux murènes
La romance du mal aimé
Et des chansons pour les sirènes
Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom
Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom
Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom
Sur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom
Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom
Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom
Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes maisons réunies
J’écris ton nom
Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J’écris ton nom
Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom
Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom
Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom
Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom
Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté.