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Arts-chipels.fr

Marilyn, ma grand-mère et moi. Quelque part, au-dessus de l’arc-en-ciel.

© Caspevi

© Caspevi

Quels points communs peut-on trouver entre Marilyn Monroe, l’autrice-comédienne Céline Milliat-Baumgartner et sa grand-mère ? C’est l’objet de ce tendre et inventif spectacle en paroles et musique.

Sur scène, une aire de jeu circulaire délimitée par un néon lumineux. Côté jardin, un piano sur lequel trône une lampe. Ambiance cosy. Dans le crépitement des flashes Marilyn apparaît, voix flûtée, enfantine, cajoleuse, pieds nus montés sur pointes. La star. Qui a de merrrr-veilleux amis. Qui souhaite un bel anniversaire à son amant-président, Mr President, JFK. Changement de ton. Elle sort du cercle, n’est plus Marilyn mais la narratrice. Elle va nous parler de sa grand-mère. Comme par magie apparaît en fond de scène, à la limite du cercle une belle armoire normande. Bois ciré, massif, qui dit la solidité de la tradition, du passé. C’est entre ces diverses temporalités que commence la navigation…

© Manuel Peskine

© Manuel Peskine

Tisser des liens

Céline Milliat-Baumgartner évoque. Dans le désordre. Ou plutôt dans l’ordre que lui proposent ses souvenirs. Les posters de Marilyn, l’astéroïde 3768 qui porte son prénom, son désir sans cesse contrarié de trouver le bonheur, la nécessité, pour rester une star, d’être toujours disponible sous le feu des projecteurs, jamais enceinte pour ne pas manquer à l’appel, son suicide un jour d’août 1964. Sa date de naissance aussi, identique à celle de la grand-mère de la narratrice. Le beau neurochirurgien dont celle-ci tombe éperdument amoureuse. Grossesse-avortement-regrossesse-enfant-mariage – il sera unique alors que Marilyn se mariera trois fois –autres enfants-séparation-abandon des enfants-solitude… et le rapprochement avec sa petite-fille, plus tard. Les mêmes thèmes reviennent : le rapport à la maternité, l’attente amoureuse permanente et l’amour trompé, comme une ritournelle obsédante. Dans sa petite robe blanche à transformations, Marilyn-grand-mère-petite-fille joue avec les espaces et avec le temps.

© Caspevi

© Caspevi

En paroles et en musique

On navigue entre les chansons devenues culte de Marilyn – My Heart Belongs to Daddy, le petit nom de son premier amoureux, ou I Wanna Be Loved by You où elle dit son envie d’être aimée… –, la mise en musique par Brassens du poème d’Aragon, Il n’y a pas d’amour heureux, les airs de saxo – « les joueurs de saxo me rendent dingue » – la chanson de Lara dans Docteur Jivago et les airs de Judy Garland dans le Magicien d’Oz. Manuel Peskine s’y fait le complice musical talentueux de Marilyn-Céline. Elle, le visage déformé par un pince-nez et de multiples élastiques qui lui refont un visage au nez affiné, à la mâchoire redressée, aux dents refaites, aux cheveux décolorés et épilés explore ce que plaire veut dire. Elle chante Gainsbourg – « Si c’est pour toi que je strip-tease / Il faut pourtant que je te dise / Que tu es, soit dit entre nous / Un peu voyeur, un peu voyou ». La chanson est reflet des états d’âme, des espoirs amoureux et de la désolation de la solitude.

© Caspevi

© Caspevi

Une armoire aux souvenirs

Les histoires surgissent comme par magie d’une armoire qui frappe les trois coups, comme au théâtre. C’est en elle qu’ont été engrangés tous les souvenirs, heureux ou tristes, en elle que repose sur un cintre un costume d’enfant – celui du premier né, le petit garçon décédé très jeune – qui deviendra marionnette articulée que la comédienne promène sur la scène, d'elle que sortent les deux bras qui l’enlacent magiquement lorsqu’elle essaie les tenues disposées sur la penderie. Tantôt vide, tantôt animée, l’armoire se métamorphosera en compartiment de train que la grand-mère partage avec son amoureux tandis que pour figurer le voyage, le paysage, comme sur une scène de théâtre de tréteaux, défile en continu derrière les protagonistes. Il y a de l’émerveillement de l’enfance dans ces apparitions-disparitions-modifications, le plaisir qu’on éprouve lorsqu’un magicien fait apparaître d’un claquement de doigts une colombe, ou qu’il fait disparaître un corps de femme dans un coffre. On retrouve la délicatesse de la Céline Milliat-Baumgartner des Bijoux de pacotille où elle évoquait son enfance en esquisses aériennes au gré des fluctuations de la mémoire, et ses souffrances avec l’air de ne pas y toucher. C’est doux, drôle et plein d’inventivité. Un plaisir qu’on aurait tort de bouder.

Marilyn, ma grand-mère et moi. TEXTE Céline Milliat Baumgartner MISE EN SCÈNE SCÉNOGRAPHIE Valérie Lesort AVEC Céline Milliat Baumgartner et Manuel Peskine LUMIÈRES Jérémie Papin COSTUMES Julia Allègre COPRODUCTION Le Bateau Feu, Scène Nationale de Dunkerque Le Vivat d’Armentières, Théâtre de la Manufacture CDN de Nancy

Du 11 janvier au 9 avril 2022, du mardi au samedi : à 21h du 11 au 15/01, 25/01 au 19/02, 22 au 26/03, 05 au 09/04 ; à 19h du 19 au 22/01, 22/02 au 19/03, 29/03 au 02/04

Théâtre du Petit Saint-Martin – 17, rue René-Boulanger – 75010 Paris

Rés. 01 42 08 00 32 www.petitstmartin.com

À propos des Bijoux de pacotille, voir l’article déjà publié sur arts-chipels :

http://www.arts-chipels.fr/2018/03/les-bijoux-de-pacotille.l-experience-du-deuil-assumee-et-mise-a-distance-au-travers-d-un-spectacle-plein-d-emotion.html

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