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Arts-chipels.fr

Dans les murs. Quand le théâtre de l’absurde s’enracine dans une vision sociale.

Dans les murs. Quand le théâtre de l’absurde s’enracine dans une vision sociale.

Humour – noir – et nonsense escortent cette fable sociale qui explore l’un des nombreux paradoxes de notre temps.

Un homme est entré. Il a installé son blouson sur la chaise. Pendant qu’il furète dans l’appartement, un autre homme entre : la porte n’était pas fermée à clé. Cependant le deuxième homme n’a pas l’air perdu. Les deux hommes sont étonnés. Le premier de trouver un intrus chez lui. Le second parce qu’il connaît bien cet appartement mais pas son occupant. On découvrira petit à petit qui sont les deux hommes et pourquoi tous deux se retrouvent dans cet appartement.

© Jonathan Michel

© Jonathan Michel

Un univers bien léché de propriétaires nantis

Il se sent chez lui, celui qui est entré. Il sait où trouver les verres et les boissons, connaît la place des choses, est familier non seulement des lieux mais des meubles qui le décorent. Passé le premier moment d’étonnement réciproque, ils commencent à parler, s’expliquent mutuellement les raisons de leur présence. Le premier a, dit-il, répondu à une annonce mettant l’appartement en location. Le second y avait, affirme-t-il, des amis proches. Très proches. Extrêmement proches. Si proches qu'ils pourraient être lui. Il y est comme chez lui, comme s’il y vivait. Il connaît tous les particularismes de la résidence, le soin apporté par la copropriété à ce que rien ne dépasse, à ce que les portes soient repeintes de manière identique et chacune selon la couleur de sa destination, que les noms inscrits sur les boîtes aux lettres soient indiqués de la même façon, dans la même typographie, sur le même papier, que chaque élément sans exception soit mis à sa place et que l’ensemble respire le calme et l’harmonie. Gare à ceux qui dérogent car ils devront faire face à une véritable guerre jusqu’à ce que les choses rentrent dans l’ordre !

© Jonathan Michel

© Jonathan Michel

Une fable sociale

A l’extase quelque peu totalitaire du chaque chose à sa place sous la surveillance attentive de chacun répond l’agressivité de l’intrus, qui joue sa survie dans ce décor dans lequel il a trouvé refuge. Car le premier homme qu'on a découvert dans l'appartement n’est pas un copropriétaire. Il cherchait un logement et s’est retrouvé là. Ce lieu pour lui, c’est la clé de sa survie. Il travaille mais son salaire ne lui permet pas de se loger. Et sans domicile fixe, comment trouver un travail alors que c’est l’une des premières questions qu’on vous pose ? Peu à peu son histoire se dévoile. Il avait un logement, et une femme. Elle l’a quitté, il n’a plus été en mesure de payer. On l’a chassé de chez lui, on a mis son mobilier au garde-meubles. Un garde-meuble qu’il paie alors qu’il ne peut plus payer son loyer. Une mesure inique. Lui, ce qu’il aurait préféré, c’est les meubles dehors et lui dedans, au sec. Il a expérimenté Emmaüs, la chasse chaque jour à l’endroit où dormir qui prend le temps où l’on devrait travailler, les réveils à sept heures du matin où il faut dégager, laisser la place pour ne revenir, si on a de la chance, que le soir venu – une situation qui est aujourd’hui celle d’un nombre croissant de travailleurs. Cet appartement, c’est la condition de sa survie et il se battra comme un désespéré pour le conserver.

Humour et nonsense

Le dialogue entre les deux hommes emprunte tous les codes du théâtre de l’absurde. La femme de l'homme qui a trouvé refuge dans l'appartement l'a quitté avec ses deux enfants pour échanger leur espace exigu pour un trois pièces et l'homme qui va avec, qui l'a abandonnée pour un cinq pièces et la femme qui va avec. Et justement l'appartement autour duquel les deux personnages se disputent est prévu pour une femme et deux enfants, et l'« ami » du propriétaire a lui-même une femme et deux enfants. L’intrus affirme avec véhémence qu’il est l’occupant légitime tandis que le propriétaire fait figure d’arrivant intempestif, ne dévoilant que progressivement son lien avec l’appartement. Il pousse l’autre, en questionnements de plus en plus incisifs qui tombent en avalanche jusqu’à l’acculer dans ses derniers retranchements, vers la reconnaissance de l’absurdité de la situation. On voit passer l’hypothétique agent immobilier devenu castor, basset ou écureuil au gré des évocations avec sa face de rat mutique. Fantasme et réalité cohabitent jusqu’à ce que la situation se cristallise autour de deux malheureux carrés de chocolat qui serviront de détonateur à l’affrontement – inévitable – entre les deux hommes. On croyait le théâtre de l’absurde disparu avec les années 1950. Le voilà ressurgi soixante-dix ans plus tard dans une âcre farce grinçante, comme le reflet de la société d’aujourd’hui.

Dans les murs. Quand le théâtre de l’absurde s’enracine dans une vision sociale.

Dans les murs Texte Vincent Farasse

S Mise en scène Didier Girauldon en collaboration avec Constance Larrieu S Avec Guillaume Clausse et Jocelyn Lagarrigue S Musique David Bichindaritz S Scénographie Antoine Vasseur S Création lumières Mathilde Chamoux S Création costumes Fanny Brouste S Chorégraphie combat Emmanuel Lanzi S Régie générale Florian Jourdon S Production Compagnie Jabberwock

NB Les dates de représentation ont été, pour certaines, annulées, et sont, pour d’autres, sous réserve.

Ÿ 17 décembre 2020 à 20 h 30 La Pléiade – La Riche

Ÿ Du 20 au 31 janvier 2021, 11 représentations Théâtre La Reine Blanche – Paris

Ÿ 3 février 2021 à 20 h Salle Appel d'Air – Tours

Ÿ 11 et 12 mars 2021 Théâtre Mac-Nab – Vierzon

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