28 Mars 2020
Douzième jour de confinement alors que le soleil nous nargue depuis la fenêtre et qu’on aurait bien besoin de se dorer la couenne, paresseusement installé sur une chaise longue, avec un bon bouquin dans les mains.
À propos de bon bouquin et de lecture
Je pense au délicieux roman d’Italo Calvino, Si par une nuit d’hiver un voyageur, qui commence ainsi (je reconstitue de mémoire la situation et je brode peut-être un peu). Ami lecteur, en commençant ce livre, qui va t’absorber tout entier, mets-toi dans les bonnes conditions. Les cigarettes à portée de main, si tu appartiens encore à cette classe honnie – du moins est-ce ce que la réglementation en a fait – qui enfume encore les lieux publics et les appartements dans lesquels quinze jours d’aération restent impuissants à supprimer l’odeur. Arrange les coussins pour que ta tête repose dans la position idéale, cou au repos, à la bonne hauteur, allongé si tu préfères le canapé, assis si tu privilégies le fauteuil. Règle la lampe pour qu’elle te fournisse la lumière optimale, qu’il ne fasse pas trop sombre – ou tu risquerais de t’endormir – et que tu ne l’aies pas dans les yeux – tu serais vite fatigué. Pose à proximité les boissons propres à alimenter ta rêverie, quelques grignoteries si nécessaire. Puisque te voilà bien en place, commençons.
Plaisantes frustrations
Le premier chapitre s’ouvre sur une substitution de valise dans une gare. Polar ou roman d’espionnage ? le suspense est là… Tu abordes donc le deuxième chapitre avec impatience. Mais voilà que ce chapitre n’a plus rien à voir avec la situation initiale. Pire ! Il raconte une histoire complètement différente. Interdit, tu poursuis ta lecture. Las ! la suite est à l’avenant. Ça commence à te chauffer les oreilles. C’est alors qu’entre en scène un lecteur, comme toi. Il se précipite chez son libraire pour faire une juste réclamation. Mais ses efforts et l’échange des livres ne sont pas couronnés de succès. Décidément un mauvais génie s’attaque à ce livre. Notre lecteur – et toi avec – n’est pas seul. À la librairie il rencontre une lectrice. Tout aussi frustrée et furieuse. Dès lors ils vont se mettre à la poursuite du personnage diabolique qui fausse ainsi les cartes de la littérature… Oulipien en diable, comme il se doit, ce roman n’en est pas un tout en en étant un… Si jouer avec des règles définies par un magicien qui ne vous les donne pas mais vous demande de les deviner, vous tente, c’est jouissif !
Jours du Seigneur
Je vous annonçais dans mon titre du jour un thème « domestique ». C’est juste, quoi ! on se retrouve à la maison, entassés parfois, à attendre une fenêtre par où s’évader. On se supporte mais parfois le ton monte, pour des broutilles. Ou on fait semblant. Que tout va bien dans le meilleur des mondes. Que franchement, c’est génial de tous se retrouver et de resserrer les liens. Et même si, dans le fond, c’est vrai qu’on est content de les avoir, nos proches, et qu’on tient, malgré tout, à les entendre râler, crier et rire, on a besoin de s’échapper, de mettre à distance leurs petits travers qui sont aussi les nôtres, de pratiquer d’inoffensives vengeances par image interposée.
Le florilège du jour consacre ces ambiances familiales auxquelles nous tenons tant.
À commencer par les enfants…
Ya quand même des moments où on les collerait bien au mur pour éviter le tournis !
Côté couple, ça va vraiment fort. C’est super de se retrouver l’un en face de l’autre pour se susurrer des mots doux. En témoigne cette attendrissante tranche d'une vie à deux sans faille, traitée en texte/image dans le style Lost in Translation, grâce au lien suivant (valable jusqu’au 28 avril)… : https://itransfert.hachette-livre.fr/easyshare/fwd/link=hvutnole1USO8NyhBdysMB
Heureusement qu’il nous reste la tendresse…
Ce qui reste dans un monde de brutes...
… et un peu de soutien…
Pages culture
Je reviendrai plus tard sur le thème « la peste et le choléra » déjà esquissé avec Antonin Artaud. En attendant, quelques nouvelles pistes pour vous distraire.
Les commentaires de tableaux du musée d’Orsay dont celui-ci : Sur la Mer orageuse de Gustave Courbet. Un commentaire de l’écrivain et réalisateur, Abdellah Taïa, qui a grandi au Maroc, dans une ville située au bord de l'Atlantique. Du réalisme naissent la poésie et la magie. Du noir émergent matière et énergie. Soulages et Courbet se donnent la main.
et la playlist du musée d’Orsay
https://www.facebook.com/pg/museedorsay/videos/
Et toujours les sites à visiter pour voyager sans bouger de chez soi. Le catalogue numérique des collections de plus de 500 établissements du monde entier, mis à disposition gratuitement par Google, semble tout à fait propice. Et ce, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit.
C’est aussi le moment, pour les amateurs de musique classique, de revenir à des enregistrements anciens porteurs d’émotions : quand on aime Chopin, de réécouter Arthur Rubinstein et, pour les fondus de Bach, de se plonger dans les Sonates et partitas interprétées au violon par Sergueï Khachatryan.
Bach Sonates et partitas pour violon seul par Sergueï Khachatryan
https://www.youtube.com/watch?v=fOTUcb9k9u8
Arthur Rubinstein
https://www.youtube.com/watch?v=8K4ZwA2nQqI
Frédéric Chopin 00:00 Polonaise in F-sharp minor, Op.44 10:58 Impromptu in G-flat major, Op.51 16:11 Nocturne in D-flat major, Op.27 No.2 Piano Sonata No.2 in B-flat minor, Op.35 22:30 I. Grave - Doppio movimento 27:49 II. Scherzo 34:43 III. Marche funèbre. Lento - attacca: 43:01 IV. Finale. Presto 45:30 Barcarolle in F-sharp major, Op.60 54:56 Étude in A-flat major, Op.25 No.1 57:30 Étude in G-flat major, Op.10 No.5 59:11 Étude in E minor, Op.25 No.5 01:02:13 Étude in C-sharp minor, Op.10 No.4 01:04:54 Waltz in A minor, Op.34 No.2 01:10:37 Polonaise in A-flat major, Op.53 "Héroïque". Robert Schumann from "Fantasiestücke, Op.12": 01:19:23 Des Abends Frédéric Chopin 01:23:45 Waltz in A-flat major, Op.34, No.1. Claude Debussy from "Préludes, Livre II": 01:28:14 Ondine. Heitor Villa-Lobos from "Prole do bebê No.1": 01:32:29 O Polichinello
On peut aussi débattre de la vision très personnelle du pianiste Lucas Debargue. Si son interprétation peut porter à débat, elle n’en reste pas moins très habitée, brillante et remarquable.
Un petit clin d’œil à l’art avant de refermer cette page du jour : le divin Michel-Ange et sa chapelle Sixtine. Même là, gaffe au corona !