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Arts-chipels.fr

La Baleine et le camp naturiste et les adieux de Philippe Caubère à Ferdinand.

La Baleine et le camp naturiste et les adieux de Philippe Caubère à Ferdinand.

Ferdinand rend son tablier au bout après quarante ans de bons et loyaux services. Philippe Caubère tire la révérence du personnage avec une dernière trilogie : la Baleine et le camp naturiste, et le Casino de Namur  I et II.

Philippe Caubère n’en finit pas de revenir sur ses années au Théâtre du Soleil et sur la figure tutélaire d’Ariane Mnouchkine. Quand il ne se livre pas à une imitation bien sentie des expressions de cette grande dame du théâtre, elle le hante quand même. C’est d’elle qu’il parle avec sa compagne à qui il veut faire passer la pilule de son infidélité, arguant du serment fait devant la troupe lors de son mariage de ne pas pratiquer « obéissance et fidélité ». C’est encore sur ses traces qu’il réserve un bungalow dans le camp naturiste où il prend des vacances. Comme si les années passées dans les années 1970 continuaient de hanter sa mémoire…

© Michèle Laurent

© Michèle Laurent

La scène dont le « moi » est le théâtre

De spectacle en spectacle, à travers Ferdinand, son clone, Philippe Caubère se raconte. Il se donne en spectacle, justement, avec une énergie hors du commun. Il mime tous les personnages de sa galaxie personnelle avec un infatigable brio. Il est le clown avec ses mimiques hyper-expressives, qui fait rire de lui. De l’Arlequin de la commedia dell’arte, il a l’insolence, une certaine manière d’appuyer là où ça pince, le côté chat qui joue avec la souris. Il en a la faconde et cette volonté de rire de tout. Il en a le caractère en sautes de vent, incapable de rester en place. Il en a la truculence qui ne recule devant aucun excès, à qui rien ne fait peur quand il s’agit de faire rire. Il se donne à fond, pour le meilleur et pour le pire.

© Michèle Laurent

© Michèle Laurent

Petits instantanés de la vie quotidienne

Son Ferdinand est autobiographique. Il part en Belgique comme Caubère après son passage au Théâtre du Soleil. « Ce qui me plaît, affirme-t-il, c’est de replonger encore et toujours dans ma jeunesse. Je ne m’en guérirai sans doute jamais, comme je ne me guérirai jamais de mes amours, de mon enfance ou du Théâtre du Soleil ». Faut-il dans ce cas voir en Ferdinand un reflet de Caubère dans son obsession à parler de cul comme seuls les hommes sont capables de le faire ? Les yeux rivés sur leur braguette, l’air fanfaron et content de soi ? S’autojustifiant, même si au bout du compte ils prennent une gamelle ? Pas seulement, sans doute, parce que ce que raconte Ferdinand, c’est le monde. Les joueurs accros vissés sur leur chaise au Casino, jouissant – au sens propre – de leur victoire ou attendant avec le même plaisir le moment de tout perdre. Les betteraviers belges allant à la chasse aux taupes comme les petits bourgeois avides de « libération » se jouant l’échangisme quand ils peinent à se débarrasser de leur slip.

© Michèle Laurent

© Michèle Laurent

Rire de tout selon Caubère

« Mauvais goût » est une expression que Philippe Caubère a bannie de son vocabulaire, à la manière de l’équipe de Charlie Hebdo. Et si cela fait parfois grincer des dents, c’est à d’autres moments d’une cocasserie désopilante, comme lorsqu’il nous plonge dans le passé fumeux – et très nazillon – du camp naturiste. « Arbeit Macht Frei » et « Travail, Famille, Patrie » deviennent les deux mamelles de la liberté recherchée dans l’état de nature, nous replongeant dans le culte du corps qui fit les belles heures du totalitarisme. Pour ces moments de grâce-là, on se dit qu’on a bien fait de venir. Pour les autres, chacun y apporte son goûter, son expérience de vie, sa manière d’être au monde, avec des fortunes diverses. Le public, en tout cas, semble y trouver son compte. Ce qui laisse pantois, c’est assurément la présence scénique du comédien-auteur Philippe Caubère, sa manière de s’emparer de l’espace, de l’occuper sans temps mort et d’exprimer la vie, fût-elle dérisoire et pathétique.

 

La Baleine et le camp naturiste, Le Casino de Namur I et II

Texte, mise en scène et interprétation Philippe Caubère

Assistanat à l'écriture Roger Goffinet. Lumière Claire Charliot. Son Mathieu Faedda. Chansons André Burton. Photographies Michèle Laurent, Sébastien Marchal

Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin-Roosevelt – 75008 Paris

3 spectacles en alternance

Du 5 novembre 2019 au 5 janvier 2020, tlj à 20h30 sauf le lundi, le dim. à 16h

Tél : 01 44 95 98 00. Site : www.theatredurondpoint.fr

 

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