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Arts-chipels.fr

Nos papas – Une version sans concession, cinglante mais tendre du : « tu seras un homme, mon fils »

Nos papas – Une version sans concession, cinglante mais tendre du : « tu seras un homme, mon fils »

Un vieux fauteuil club au milieu de la scène, deux autres fauteuils sur les côtés, une machine à café et des portants remplis de fringues masculines. Simon Bourgade nous invite à explorer la masculinité avec trois histoires de père et fils, sous l’angle original de l’interview documentaire, tranche de vie réelle qui donne à ce spectacle une authenticité touchante. Ainsi les trois acteurs explorent les rapports père / fils avec une partie inspirée de leur propre rapport avec leur père, de leur propre histoire personnelle. Cela donne un spectacle à la fois drôle et féroce, cruel et impudique parfois car chacun des acteurs lorsqu’il joue le père, joue son propre père.

On est tout d’abord surprise, par le ton et les propos parfois très cash, limites ringards et sexistes.  On se demande où est le second degré, où pourrait être le troisième ? Cinquième ?  La salle rit beaucoup au début contrairement à mon sentiment un peu crispé. Et puis le propos se précise et je respire, inversement à la salle qui elle se tait inexorablement pour finir cependant dans un tollé d’applaudissements.

Le spectacle est d’abord un constat de la masculinité ancestrale et les moyens de transmissions / pérennisation de cette masculinité par et pour les hommes. Comment les  pères parlent de la vie, de l’amour, de la sexualité, de ce que cela veut dire « être un homme » de ce que cela implique, chacun, bien sûr avec sa petite lorgnette culturelle et éducationnelle, à la façon testimoniale en vigueur dans notre monde connecté où chacun se met en scène.  Chaque acteur aura interviewé son propre père et l’interprète sur scène. Une nouvelle version de cette assertion des plus célèbres « tu seras un homme mon fils » !  Oui c’est bien là le propos : qu’est –ce que cela veut dire aujourd’hui dans le contexte #metoo, #balancetonporc d’être un homme, un vrai bien sûr.  En soit cette question posée ainsi nous interroge sur les mécanismes de la transmission. Et au-delà sur les mécanismes de la parentalité, En tant que père qu’est-ce que j’ai transmis, donné à mon fils.  C’est une interrogation, une plongée dans les mécanismes qui perpétuent une masculinité toxique dans l’éducation des garçons, Et oui l’interrogation de ces fils vis à vis de leur père est bien là, c’est une remise en question de ces mécanismes qui perdurent de génération en génération souvent entretenus par la famille et les pairs. La socialisation des garçons est bien souvent violente, La promotion des rôles masculins idéalisés mettant l'accent sur la dureté, la domination, la violence et la répression des émotions peut commencer dès la petite enfance. De telles normes sont transmises par les pères, d'autres membres de la famille de sexe masculin, et des membres de la communauté. Et pour finir  les médias concourent également à cette pérennisation de cette  masculinité toxique en favorisant souvent des rôles de genre stéréotypés.
Ce spectacle met bien en avant cette transmission mais avec paradoxalement beaucoup de tendresse ce qui adouci le propos et le rend plus audible, plus humain. La toxicité n’empêche pas l’amour. On transmet ce que l’on croit devoir transmettre et c’est en cela que la rupture et la prise de conscience de ces fils est exemplaire et didactique.

La deuxième question posée est plus de l’ordre technique, éthique comment interpréter son propre père sous l’angle de la toxicité de la transmission ? En cela chacun des acteurs a « joué le jeu » et est  allé creuser là où cela gratte, où les blessures sont parfois crues, intenses et non refermées, sans pudeur avec cette franchise que la scène peut parfois offrir paradoxalement l’exhibition comme une protection. Et c’est cette franchise impudique qui donne toute sa profondeur aux propos de ces trois  acteurs. Mais elle en est aussi sa limite et sa faiblesse car cette matière est si dense, si complexe et si sincère que cela demanderait d’aller un peu plus avant, d’aller gratter encore un peu plus loin pour arriver à une universalité qui élargirait le propos. Et en cela on regrette aussi que l’homosexualité n’ait pas été abordée.  La forme du constat est quand même très percutante, limite cinglante parfois et est superbement servie par ce procédé « documentaire » interview / reproduction et jeu d’acteur.

C’est la deuxième pièce de Simon Bourgade que je vois. La première étant Change me, l’histoire d’une adolescente qui se fait passer pour un garçon jusqu’à la chute très violente où elle est démasquée. Histoire et questionnement sur le genre et l’identité. A lire sur Arts-chipels.fr :
http://www.arts-chipels.fr/2017/09/change-me.les-travers-tragiques-de-la-loi-du-genre.html

 

 

Le festival Spot

Temps fort dédié aux équipes et aux formes nouvelles, le festival SPOT est de retour au Grand Parquet et au Théâtre Paris-Villette (salles blanche et bleue) pour sa sixième édition ! Chaque année une thématique différentes et des équipes différentes avec toujours  une sélection très pointue et vivifiante. Cette année la thématique tourne autour du lien intime de l’enfance et de l’adulte qu’est-ce qui nous forme, nous donne forme, qu’est-ce qui reste de notre enfance À travers la force des souvenirs qui forgent l’identité, le poids de ce qui nous est transmis, et ce qu’il nous reste à construire, ils s’interrogent : quel rôle joue le temps ? Comment grandir sans perdre la trace de ce qui nous a aidée à devenir ce que nous sommes ?

 

Beau programme à suivre sur le site de Paris Villette
http://www.theatre-paris-villette.fr/spectacle/festival-spot-6-futurs-anterieurs/

 

AU THÉÂTRE PARIS-VILLETTE
24 – 25 septembre

mise en scène Simon Bourgade /
avec Mathias Bentahar, Antoine Joly, Antoine Prud’homme de la Boussinière / dramaturgie Mathilde Hug /
création lumière et régie Lucien Valle /
son David Hess

 

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