15 Septembre 2019
Il est des spectacles populaires dans lesquels on se plonge avec délectation. Les intrigues sont cousues de fil blanc, les situations ont un air de déjà vu. Pourtant on s’y laisse prendre. Pour leur fraîcheur et leur simplicité, justement. Louise est de ceux-là….
Elle fabriquait des parapluies, fixant une baleine après l’autre sur la toile. Il vendait son image d’ancien sportif sur Youtube en promotionnant des joggings de toutes les couleurs, un jour pour chaque, quand il ne passait pas aux baskets. Elle, c’est la mère, lui le fils. Il la trouve ringarde à fabriquer ses parapluies à fleurs ou à motifs dépassés. Elle le trouve ridicule de faire l’apologie du rien en se filmant lui-même. Deux inutilités renvoyées dos à dos. Mais voilà-t-y pas que Louise se met en tête de devenir quelqu’un, de se présenter aux élections municipales. Y a pas de raison ! Elle n’est pas plus bête que ceux qui ont pignon sur rue ! Aussitôt dit aussitôt fait ! Aidée par sa copine Jacqueline, une ancienne petite main d’une maison de haute couture, elle se lance dans la course…
Un charme très vintage
La cuisine où se déroule une partie de l’action, avec ses papiers peints dans les tons orangés qui fleurent bon la fin des années 60 avec leurs motifs géométriques, est d’une autre époque. Mais le temps est passé par là. Le papier peint se déforme façon Vasarely, comme si cette réalité-là s’était distordue, qu’elle perdurait dans un monde qui ne lui ressemble plus. Louise s’y inscrit comme la survivante d’un autre temps. Elle a les préoccupations de ces femmes du passé, soucieuses du bien-être de leurs « hommes ». Elle prépare des petits plats pour son fils et se soucie de la manière dont il les réchauffera. Elle ressemble à ces mères de famille parfaites veillant sur leur couvée des débuts de la société de consommation.
Des personnages plus vrais que nature
Louise est l’incarnation de la sagesse populaire. Toute de douceur et de gentillesse, d’enthousiasmes et de doutes, elle offre la panoplie d’une naïveté assumée doublée d’une volonté de fer. Elle s’étonne elle-même de son audace mais n’en poursuit pas moins opiniâtrement sa route. Elle pointe du doigt les incohérences d’une société qui veut toujours du neuf et où l’on perd le sens des réalités. Elle vit de peu mais demande seulement qu’on la laisse vivre. Myriam Boyer lui prête son engagement étonné, un être-là, en scène, qui la fait exister. Antoine est un gentil garçon qui aime sa mère mais qui vit dans son temps. Il la regarde, éberlué, ne pas monter dans le train de la modernité. Quant à Jacqueline, tout en soutenant sa copine, elle ne reste pas insensible au charme du jeune homme. Ces trois-là finiront par se trouver et uniront leurs forces pour chercher à créer un monde à la dimension de leurs rêves. Ces personnages, ils ont la fraîcheur des romans à trois sous d’antan. Le sort leur est contraire mais toujours les héros relèvent la tête et vont de l’avant. L’optimisme est de rigueur – ça nous change des noirceurs que nous balance quotidiennement l’actualité. Rions un peu, rêvons aussi que le pire n’est jamais certain, sans prise de tête ni analyse à n degrés et notes en bas de page : tel pourrait être le message de ce spectacle. Un divertissement social à la fois tendre et humain.
Au sortir du théâtre, une femme avançait, une grosse valise à la main. Une inconnue. « Vous permettez, me dit-elle, que je vous embrasse ? Je pars en vacances et je change de vie… » Aussitôt dit, aussitôt fait. Elle est pas belle, la vie ?
Louise au parapluie.
Texte et mise en scène : Emmanuel Robert-Espalieu
Avec : Myriam Boyer (Louise), Prune Lichtlé (Jacqueline), Guillaume Viry (Antoine, le fils)
Décors Jean Michel Adam / Costumes Camille Duflos / Lumières Charles Degenève
À partir du 10 septembre 2019,
En septembre, du mardi au samedi à 20h, dimanche à 17h
En octobre : mar-mer à 20h, jeu-ven-sam à 21h30, dim à 15h30
Au Théâtre du Gymnase Marie Bell, 38 bd de Bonne-Nouvelle – 75010 Paris
Tél. 01 42 46 79 79. Site : www.theatredugymnase.paris