20 Avril 2019
Un jeune homme et une jeune femme, coiffeurs dans de grandes enseignes, décident de se lancer et de créer leur propre entreprise. Mais l’aventure a tout du parcours d’obstacles…
Victor et son copain Seb ont décidé de tenter la grande aventure : ouvrir leur propre salon de coiffure au lieu de vivre sous la férule d’un patron sans cesse sur leur dos pour « optimiser » leur temps de travail et accroître leur rentabilité. Victor a cassé sa tirelire, Seb recouru à un financeur privé auquel il a fait miroiter le démarrage d’une start-up fictive, forcément censée rapporter des montagnes d’argent. Seb est le gérant de l’entreprise. Mais voici qu’il se tue à moto. Les galères commencent…
Entre espoirs et désespoirs, s’accrocher…
À deux doigts d’abandonner, Victor, poussé par son ami, comptable de la future entreprise, qui n’a cessé de travailler gratos, s’accroche. Il cherche une nouvelle associée en la personne de Célia, une ex petite amie qu’il a connue à l’école de coiffure. Le film est lancé. Il oscillera en permanence entre découragements devant les emmerdes en tout genre qui ne cessent de contrarier le projet et espoirs qui font reprendre le collier aux protagonistes. C’est d’abord Célia qu’il faut convaincre : elle n’est pas prête à sacrifier les économies péniblement mises de côté pour le retour de sa grand-mère à Oran, en Algérie. C’est l’apprentissage par la jeune fille de ce qu’est une entreprise, les ennuis liés aux normes édictées par l’administration dans l’aménagement du salon, les difficultés liées au financeur à qui il faut continuer de faire croire qu’il finance une start-up bourrée de technologie et d’informatique. Et lorsque tous les obstacles sont surmontés, c’est un nouveau drame qui survient.
Une peinture sociale tout en finesse
Avec beaucoup d’humour et de délicatesse, Pierre Jolivet déploie devant nos yeux toute une galerie de personnages. Il y a Victor au cœur tendre qui héberge l’ex petite amie de Seb en déprime, une Vénézuélienne bien encombrante, et Célia, la jeune beurette qui doit résister en permanence à la proximité trop caressante de son patron. Un peu porc-épic pour se protéger des atteintes de la vie, elle révèlera son dynamisme et son caractère de battante. Tous deux sont épatants de naturel. Sa grand-mère, Mamie Chou, est une délicieuse vieille dame algérienne préoccupée du bonheur de sa petite fille. Bruno Benabar campe un comptable au grand cœur, bourru mais attentif. Quant à Pasquale d’Inca en patron de transports routiers qui cherche à échapper à son quotidien trop uniforme et à sa femme trop directive, il est attendrissant. Ne manquent pas au tableau le banquier homo fasciné par le coiffeur coloriste gentiment excentrique ni la dame entre deux âges qu’on a acceptée, improvisation et manque de moyens obligent, pour faire un stage. Ils sont tous un peu décalés, décalqués même pour reprendre une expression en vigueur, un peu barge, et c’est ce qui fait leur charme.
Une vérité passée au filtre de la comédie
Dans cet univers de la débrouille où chacun met la main à la pâte et accepte pour les besoins d’un test de couleur de transformer sa chevelure en crête de coq ou en symphonie de couleurs vives, les dialogues ont un parfum de vérité. « J’m’endette pour vingt ans, dit Célia à Victor, j’quitte mon taf, tout ça pour bosser avec un interdit bancaire… Si c’est pas, ça, un putain d’voyage ! » Ils sont authentiques dans leurs découragements, dans leurs enthousiasmes, dans leur volonté de s’en sortir. Ils livrent l’image d’une humanité chaleureuse, solidaire et cela fait du bien. L’histoire d’amour entre Victor et Célia, sans cesse contrariée par le cours des choses, ajoute sa petite note positive. Quant au coup de théâtre de la fin, qui fait passer l’histoire du drame absolu à la comédie légère, il est remarquable d’inventivité et de drôlerie. On connaît le goût de Pierre Jolivet pour les peintures sociales, son penchant pour les sans-grade. Le réalisateur de Ma petite entreprise, le film qui porte comme accroche « Dans la vie, les emmerdes ça rapproche (un peu) » avec un Vincent Lindon victime d’assureurs véreux qui se mue en hors-la-loi, récidive dans une veine similaire. Il nous offre un joli film, où les valeurs humaines de solidarité, d’amitié et d’amour triomphent. Et tant pis si dans la vraie vie ce n’est pas toujours comme ça que ça se passe ! Y’a qu’à, comme on dit, se donner les moyens pour que ça marche…
Victor et Célia de Pierre Jolivet – 2018
Scénario et réalisation : Pierre Jolivet
Image : Thomas Letellier
Avec : Alice Belaïdi (Célia), Arthur Dupont (Victor), Bruno Benabar (Max), Bérengère Krief (Louise), Adrien Jolivet (Ben), Tassadit Mandi (Mamie Chou), Aurélien Portehaut (Seb), Sarah Kristian (Inès), Christophe Gendreau (De Jonquière), Bruno Campelo (Pablo), Grégoire Isvarine (Raphaël), Julien Tiphaine (Homme Mystère), Pasquale D’Inca (M. Poitrenoux).
Sortie en salles : 24 avril 2019