Du 15 mai au 19 juin à 19h
La Scala, Paris
14 Mai 2024
Kelly Rivière n’a peur de rien. Seule en scène pendant une heure et demie, elle déploie devant nous une galerie de personnages attendrissants et hauts en couleur.
Irlande, au seuil des années 1950. Un homme a disparu, avalé par la brume ou le rythme des marées. Nul ne sait ce qu’il est advenu de lui. Comme beaucoup d’Irlandais, chassés par la misère, Peter O’Farrell avait quitté son pays pour gagner Londres à même pas vingt ans. Il avait épousé Margaret, qu’il avait engrossée encore et encore. À vingt-six ans elle avait déjà six enfants. Dans la famille, on ne parlait pas du grand-père. Seulement qu’il était ivrogne et noyait son chagrin dans l’alcool. Quand une chape de silence s’étend sur ceux qui vous entourent, on veut savoir. C’est ce que fait Kelly Rivière, sa petite fille quand elle décide de repartir sur ses traces et de suivre le fil.
La remontée du temps et le retour aux sources
C’est quand même extraordinaire d’avoir un aïeul disparu dont on ne sait s’il est vivant ou mort mais qu’on considère comme perdu. À ses questions, les membres de sa famille détournent la conversation ou répondent sans cesse à côté. Et puis la famille, en Angleterre, ce n’est plus grand-chose. Jusqu’à l’accent qui s’est perdu mais ressurgit parfois chez sa mère au détour d’une expression, dans les rares occasions où le vernis craque. Alors Kelly décide de remonter le cours de la « rivière » pour essayer d’en savoir plus, retourner à la source, cette Irlande qu’elle impose à sa mère comme un voyage nécessaire. La quête de son grand-père disparu se confond avec la recherche de ses origines. Celle d'une population marginalisée en Angleterre dans les années 1950, accueillie par des pancartes : « No Blacks, no Irish, no Dogs. »
Un monologue habité
Cette aventure, Kelly Rivière l'a vécue. Il n'empêche qu'elle trouve pour en parler toute la verve des conteurs, capables de tenir en haleine leur auditoire. Personnage caméléon, elle endosse toutes les défroques, depuis la vieille anglaise coincée qui parle du bout des lèvres jusqu'aux Irlandais taiseux terrés au fond de leur pays émettant des borborygmes à peine compréhensibles. Avec une aisance surprenante, elle adopte une attitude, un type de langage à chaque fois différent, du français avec lequel elle raconte son histoire jusqu'à l'anglais châtié et un peu snob de certains des personnages qu'elle évoque. Elle s'engouffre avec une délectation gourmande dans l'anglais patoisant truffé de gaélique que pratiquent les Irlandais et passe parfois d'une langue à l'autre en plein milieu d'une phrase. Elle parle des choses graves avec légèreté, avance en sauts de puce vers la conclusion finale. Pas de théâtre à thèse ou de misérabilisme qui pourrait ici s'imposer, mais une tendresse infinie. C'est drôle, savoureux, enlevé et infiniment vivant
Une histoire irlandaise de et avec Kelly Rivière
Scénographie : Grégoire Faucheux
Du 15 mai au 19 juin à 19h
La Scala, Paris