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Arts-chipels.fr

Émouvants jeunes pianistes

Émouvants jeunes pianistes

Il est de certains jeunes musiciens dont on aimerait conserver le nom et le souvenir avant que le temps n’accumule sur l’impression du moment son poids de nouveauté et ne les engloutisse dans sa course. C’est la raison de cette chronique « memento vivorum », de ceux dont on se dit qu’on ne voudrait pas les oublier et suivre de pas en pas ce qu’ils vont devenir, de ceux qui ont su, par leur interprétation, nous donner envie de voir plus loin, de nous projeter dans le futur. Lauréats de nombreux concours internationaux de haut vol, ils jouent à Paris, salle Cortot, grâce au militantisme musical de l’association Animato, qui les fait venir à Paris afin de les faire connaître et de nous faire partager les émotions qu’ils suscitent.

Paris, mars 2019

Émouvants jeunes pianistes

Keigo Mukawa (Japon), lauréat du Concours international de piano de Hamamatsu est, d’une certaine manière, inclassable. Ce jeune homme d’une vingtaine d’années mais d’une immense maturité musicale offre une synthèse passionnante entre Orient et Occident. D’Asie, du Japon dont il est originaire, il garde ce sens du détail, de la précision et de la perfection. Chaque nuance compte dans une interprétation millimétrée où l’émotion joue sa partie. Son interprétation au piano d’une pièce pour clavecin de Jean-Philippe Rameau, la Suite en la Gavotte et six doubles, très déliée et légèrement teintée en même temps du romantisme que suscite l’écoute de cette très belle œuvre incarne sa démarche faite d’attention au son et aux techniques des compositeurs qu’il interprète et au parcours solitaire qu’il effectue pour s’immerger dans la musique et en donner une interprétation habitée. Sous ses doigts, la Ballade n° 2 en si mineur S 171 de Liszt, enchanteresse, laisse transparaître toute la complexité de l’œuvre et alterne grondements sauvages et élégie, accents modernes et romantisme. Quant aux extraits de Miroirs de Ravel (Une barque sur l’océan et Alborada del gracioso), ils déploient en images qui ne cessent de surgir de l’interprétation une richesse insoupçonnée.

Émouvants jeunes pianistes

Can Çakmur (Turquie), grand prix du concours Hamamatsu 2018, avec son allure juvénile, sa chevelure en bataille et son sourire d’enfant heureux, s’empare du piano avec une jubilation perceptible et communicative pour en donner une version aérienne, libérant dans l’espace une nuée de papillons colorés, lumineux, qui s’élèvent sans effort dans un air soudain rendu plus léger, plus délicat lorsqu’il interprète la Suite anglaise n° 6 en ré mineur (BWV 811) de Bach. Mais il possède aussi cette faculté de cheminer à la lisière de la virtuosité sans la rendre prégnante, d’exprimer avec beaucoup de finesse les oscillations romantiques de la « Sonate écossaise » (Fantaisie en fa dièse mineur op. 28) de Mendelssohn comme de prendre possession du piano pour lui faire rendre gorge dans la Suite « En plein air » Sz 81 de Bartók où résonnent les échos de la musique populaire hongroise. Il est dans l’instrument, il nous invite au voyage avec beaucoup de maîtrise et nous voyageons avec lui dans la poésie délicate qui émane de son toucher subtil.

Émouvants jeunes pianistes

Aljosa Jurinic, lauréat de la compétition Schumann en 2012 et de la Queen Elisabeth Piano Competition en 2016, entre autres, et de bien d’autres prix encore. Ce jeune Croate de 30 ans, connu pour ses interprétations de Chopin, a en effet un toucher unique. Caresseur de piano, il établit avec lui une conversation amoureuse et sensuelle, rend présente la moindre nuance, tire de la musique une poésie intense. Il sait tout aussi bien marquer les variations en saute de vent de Schumann que la lumineuse délicatesse de Chopin, y compris dans ses brisures où, d’une certaine manière, apparaît déjà le XXe siècle.

Émouvants jeunes pianistes

Jinhyung Park, déjà Premier prix du concours « Printemps de Prague » (2016), lauréat des concours de Santander (2015), Cleveland (2016) et Montréal (2017), frêle Coréen de 23 ans, a déjà tout d’un immense interprète de Chopin. Il sait osciller de la tristesse élégiaque à la colère, violente mais contenue, qui s’exprime dans certains passages de l’œuvre, en marquer toutes les nuances, en révéler la nature profonde. Virtuose, il l’est, comme tous ces jeunes gens d’aujourd’hui dont la technique parfaite est impressionnante, mais il y ajoute la sensibilité qui fait les grands interprètes. Lorsqu’il s’abandonne à la musique, qu’il est tout entier à l’intérieur, il suscite une émotion vraie qui fait monter les larmes aux yeux.

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