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Arts-chipels.fr

La Mécanique du hasard. Un conte de fées moderne sur fond de délinquance

(c) Christophe Renaud Delage

(c) Christophe Renaud Delage

C’est l’histoire d’un p’tit gars poursuivi par une poisse héréditaire. Comment, en plein cœur du désert, se découvrir soi-même et prendre sa vie en main quand on est poursuivi par le mauvais sort ? C’est le propos jubilatoire de ce western détourné, de cette mécanique réglée au petit poil pour notre plus grand plaisir…

Il était une fois un jeune garçon pour qui rien n’allait droit. Une paire de baskets lui tombe sur la tête. Il l’emporte chez lui. Les baskets étaient volées. Il est pris par la police. Il n’était pas un voleur mais tout se passe comme si. Tout ça parce qu’il paierait pour un méfait remontant à quatre générations.Il était donc une fois l’histoire du grand-père letton de son grand-père qui à cause d’un cochon dont il n’acquitta pas le prix convenu avait été frappé de malédiction. Il était une fois aussi une institutrice qu’un sheriff poursuivait de ses assiduités. Et il était une fois un noir plein de gentillesse et d’obligeance. À force de bricoler dans la maison de la donzelle, il avait proposé à l’institutrice d’exercer ses talents sur son cœur brisé. Au grand dam du voisinage, elle avait aimé cet homme à la peau colorée. Mais les braves gens ne l’avaient pas supporté. Ils avaient fait la chasse à l’homme et ils l’avaient tué. Alors l’institutrice s’était muée en furie, en outlaw sans pitié et elle avait maudit le lieu. Le beau lac bleu s’était asséché, était devenu aride et sans vie. Par un hasard du sort, Stanley Yelnats le malchanceux, au nom qui se lit de la même manière à l’endroit qu’à l’envers, avait échoué dans ce désert affreux pour y purger sa peine imméritée.

Le conte a mauvaise tournure. Il porte des habits de jours sombres.

La Mécanique du hasard. Un conte de fées moderne sur fond de délinquance

Un enrobage très contemporain

Dans son séjour disciplinaire, Stanley se trouve en butte aux vexations de tous ordres. De la part de l’administration de l’établissement d’abord. Point ici de colonie de vacances pour ados, comme il l’écrit à ses parents, mais un centre de « redressement » où on oblige les pensionnaires à creuser, jusqu’à la limite de leurs forces, des trous dans la terre dure et stérile du désert, où on les assoiffe, où on les maltraite. Le prétendu délinquant doit aussi affronter ses congénères, des petits durs qui transforment le jeune homme au cœur tendre en souffre-douleur. Surnommé Cro-Magnon, il ne trouve assistance qu’auprès d’un autre exclu, le petit Zéro. Zéro creusera la terre pour lui. En échange, Stanley lui apprendra à lire. En plein cœur du désert tous deux trouvent le chemin de la solidarité et de l’amitié. Mais c’est aussi leur destin qu’ils conjurent. Rien n’est écrit pour l’éternité quand on a la volonté de changer le cours des choses.

La Mécanique du hasard. Un conte de fées moderne sur fond de délinquance

Rejouer le monde autour d’un vieux frigo

Dans un espace nu où se dessinent au sol comme les courbes de niveau ondulantes d’une géographie imaginaire trône un vieux frigo. Rouillé, sans fond, il se transforme au gré du récit. Table quand les comédiens appuient sa porte sur leurs genoux, refuge dans lequel ils se lovent, véhicule qu’ils traînent et sur lequel ils se déplacent, espace de renaissance où circule un air de liberté, appel vers un ailleurs, lumineux, éclairé en dedans quand la nuit est partout, il devient la montagne où ils trouvent refuge, l’espace de tous les saluts. Autour de ce frigo ils sont deux pour conter toutes les histoires, pour incarner tous les personnages. Ils se métamorphosent à vue, en tenue d’ados d’aujourd’hui, blue jeans larges, pieds bien à plat dans leurs baskets. L’allure raide, la mimique impérieuse, mains croisées martialement dans le dos ou le doigt tendu, dans un ensemble parfait, ils miment les excès de l’autorité, la dénoncent en forçant le trait. La dégaine toute en courbes, jambes écartées, mains enfouies au fond des poches, la voix dure, ils sont aussi à tour de rôle le caïd qui règne sur le petit monde des enfermés du centre. En fuite, livrés à eux-mêmes dans le désert implacable, ils s’enroulent l’un sur l’autre, se portent, se traînent, se mélangent, se contorsionnent dans une chorégraphie perpétuellement mouvante, minutieusement réglée et sans temps mort. S’il reste quelque chose de l’enfance dans une certaine naïveté affichée des personnages, qui contemplent le monde d’un air étonné, il y a de l’art du clown dans la manière de passer de s’emparer des personnages, d’endosser une défroque après l’autre sans reprendre son souffle, de déconstruire les comportements pour les donner à voir. Mais point de grossière farce. La finesse est là et la perfection avec elle. Alors, spectacle pour enfants, sans doute, la Mécanique du hasard s’adresse tout aussi bien aux adultes qui savent que retrouver un regard d’enfant et son impertinence tranquille est une bonne manière pour ceux qui ont grandi d’appréhender la gravité du monde.

La Mécanique du hasard d’après Holes (le Passage dans sa version française) de Louis Sachar.

Adaptation : Catherine Verlaguet

Mise en scène : Olivier Letellier

Avec : Fiona Chauvin et Guillaume Fafiotte

Scénographie : Colas Reydellet

Espace Pierre Cardin - Studio, 1 avenue Gabriel – 75008 Paris. Du 7 au 18 novembre 2018

Le 30 novembre 2019 à 18h - Théâtre Romain-Rolland - Villejuif

Tél 01 49 58 17 00. site: www.trr.fr

 

 

 

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