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Arts-chipels.fr

La Nouvelle Athènes. Sauver les derniers pianos romantiques

La Nouvelle Athènes. Sauver les derniers pianos romantiques

Une association s’est créée pour sauver de la disparition le piano forte, piano emblématique de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe, ancêtre direct de notre piano moderne. Elle se propose de racheter ces pianos anciens pour les restaurer et permettre à des interprètes de retrouver un peu des conditions d’origine dans l’exécution des œuvres de cette période.

En ce lundi 2 juillet, l’association « la Nouvelle Athènes » organisait au Goethe Institut, sur des instruments anciens, un concert destiné à recueillir des fonds pour restaurer sa dernière acquisition, un piano Erard carré de 1806. Cette association, qui regroupe des pianistes, des clavecinistes, des restaurateurs, des collectionneurs et la directrice du programme « Claviers » de la Fondation Royaumont a l’ambition, au-delà de la restauration des instruments, de permettre aux auditeurs de percevoir les œuvres comme elles furent entendues (ou presque) à l’époque où elles furent créées, avec le même son. À cette occasion fut rappelé ce que l’art pianistique doit au piano forte, l’instrument que nous connaissons aujourd’hui, puissant, au registres très étendu, aux possibilités expressives très différenciées, adapté aux grandes salles de concert.

Une histoire qui commence entre clavecin et cymbalum

Le clavecin était un système à cordes pincées, le piano est un instrument à percussion, avec des cordes frappées par un marteau. Si le piano hérite du clavecin sa forme harmonique, il s’en différencie par son mécanisme. C’est en Italie, à la toute fin du XVIIe siècle, qu’apparaissent, sous l’impulsion de Cristofori, les premiers piano forte, capables, comme leur nom l’indique, de moduler l’intensité du son produit, mais c’est d’Allemagne, en 1726, qu’il se diffuse avec Johann Gottfried Silberman. Cristofori trouve une solution au problème mécanique posé par le piano : lorsque les marteaux frappent les cordes, ils doivent cesser d'être en contact avec elles une fois frappées afin de ne pas étouffer le son (en entravant leur vibration) et, de plus, revenir à leur position initiale sans scorie sonore. À partir de là, l’évolution de l’instrument est rapide, en particulier sous la pression des musiciens désireux d’explorer ce nouvel outil si plein de promesses. Liszt, un siècle plus tard, concertiste internationalement reconnu, jouera non plus dans des salons mais dans des salles de spectacle où les possibilités expressives et la puissance de l’instrument feront merveille. L’Europe des musiciens est à cette époque une réalité et le piano étend rapidement son ère d’influence. La voie est ouverte, vers l’Angleterre puis vers la France où se distingueront quelques facteurs célèbres tels Erard ou Pleyel. Elle deviendra royale.

Le clavier, limité à l’époque de Mozart à cinq octaves, comprend déjà 6 octaves et demie au temps de Chopin. Il se développera encore par la suite. Mais ce sont les innovations techniques apportées aux cordes, fabriquées en acier et mieux affinées, le système de répétition des notes à double échappement qui permet de frapper la même note de manière très rapprochée alors que la touche n’est pas revenue à sa place initiale, ou les améliorations apportées à la pédale qui marquent l’évolution du piano. Les piano forte de Silbermann possédaient un ancêtre de pédale forte (se présentant sous la forme d'un levier difficile à manipuler pendant le jeu) avant que ne soient développées les pédales actionnées au pied que nous connaissons aujourd’hui.

La Nouvelle Athènes. Sauver les derniers pianos romantiques

Faire sonner les instruments anciens.

Le concert proposé par la Nouvelle Athènes, outre son propos mécénal, avait aussi pour but de nous faire découvrir les possibilités de l’instrument, et les raisons pour lesquelles il fascina tant de compositeurs. Etaient donc présents sur scène deux pianos forte : le premier, un piano carré Longman & Broderip de 1795 faisait figure d’ancêtre. Sa sonorité, encore un peu maigrelette, métallique, ne semblait guère éloignée de celle du clavecin et on peut comprendre que Bach, coutumier de l’ampleur de l’orgue, ait quelque peu boudé ce nouvel instrument. Ses successeurs en ont, eux, tiré profit. Les morceaux de Haydn, de Jean-Chrétien Bach et Mozart (œuvre de jeunesse) présentés au plus près des conditions dans lesquelles les œuvres furent jouées à l’époque de leur création ont ainsi un charme étrange. A entendre le morceau, on comprend quelle logique lie l’instrument à la composition. Les compositeurs explorent la vivacité offerte par le piano et s’aventurent doucement au pays de l’intensité. A cet égard, le choix d’inclure dans le programme la Mendiante de Franz Beck, contemporain de Haydn – tous deux meurent la même année, en 1809 – oublié par l’Histoire était passionnant. Outre la découverte d’une musique qui se différencie fortement de la légèreté prônée à l’époque se dégage déjà une première amorce de la dramatisation offerte par le piano forte.

Le second instrument, un piano à queue Fritz de 1813 – moins de vingt ans séparent les deux instruments et la différence est énorme – offre un tout autre effet acoustique. Le son a pris de la rondeur, de l’ampleur. Les cordes sont perpendiculaires au clavier et non plus disposées parallèlement. Les pédales sont au pied, les effets plus accentués et diversifiés. Les choix des morceaux de Beethoven, Schubert et Carl Maria von Weber révèlent la fascination que les possibilités de l’instrument inspirent aux artistes. Ils explorent toute l’étendue du clavier du grave à l’aigu et l’inverse avec une gourmandise qui transparaît dans les crescendos et decrescendos, dans des partitions qui allient le très grave et le très aigu et font une large place au jeu de la main gauche, qui cesse d’être simplement le support ou le contrepoint de la droite pour devenir discours à part entière. Accords plaqués alternant avec des respirations délicates, rapidité et virtuosité d’exécution sur le piano : autre temps, autre style, autre musique. Ainsi composition et instrument évoluent ensemble, s’enrichissant mutuellement au fil du temps.

Quant aux interprètes et membres de l’association qui faisaient le spectacle sur scène, ils ont largement contribué à la qualité de ce qui fut proposé. Au plaisir de la découverte des instruments et de leur sonorité répondait une interprétation remarquable.

Reste à souhaiter que d’autres manifestations de ce type puissent être organisées. En attendant, il est nécessaire – et urgent – de soutenir le projet de restauration entamé par l’association en y adhérant ou en faisant des dons déductibles fiscalement (contact ci-dessous).

 

www.lanouvelleathenespianosromantiques.com

Dons via : www.commeon.com/fr/restaurons-un-des-premiers-pianos-romantiques-francais#ORST ou à la Nouvelle Athènes, 19 rue du Banquier – 75013 Paris

 

Programme présenté au Goethe Institut le 2 juillet 2018

  • PREMIERE PARTIE : Aurélien Delage et Aline Zylberajch

Johann Christian Bach, Duetto n° 1 (op. 18 n° 5) en la majeur 

Joseph Haydn : Sonate Hob. XVI/44, Moderato

Franz Beck :la Mendiante

W.A. Mozart : Sonate (K. 19d) à quatre mains en ut majeur, Allegro

Joseph Haydn : Trio Hob. XV/20 en si bémol, allegro, Andante cantabile, Finale avec Florent Albrecht (piano forte), David Plantier (violon) et Annabelle Luis (violoncelle).

  • DEUXIEME PARTIE

Franz Schubert : Sonate en la D 959, Andantino. Flore Martin

Ludwig van Beethoven : Sonate « Marcia funebre sulla mort d’un Eroe », op. 26 (1802). Edoardo Torbianelli

Ludwig van Beethoven : Variations sur un thème en do mineur WoO 80. Olga Pashchenko

Carl Maria von Weber : Konzertstück op. 79, piano et quatuor. Luca Montebugnoli et l’ensemble Hexameron : Luca Montebugnoli (piano forte), Ajay Ranganathan, Laurence Valentino (violons), Leila Pradel (alto), Amaryllis Jarczyk (violoncelle), Nicolas Bouils (flûte).

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