4 Mai 2018
Ce spectacle mythique des années 1980, signé Maguy Marin est repris aujourd'hui mercredi 2 mai par une jeune chorégraphe Lia Rodrigues et de jeunes danseurs brésiliens en formation. C’est un acte de transmission au-delà des frontières dont Maguy Marin et Lia Rodriguez rêvaient depuis longtemps et tout particulièrement auprès de ce public sensible de jeunes danseurs professionnels et amateurs, étudiants de la Maré.
Pour Lia Rodrigues cette transmission est le moyen de prendre le contre-pied de notre époque où l’on construit murs et grilles et où chacun s’enferme dans son territoire. Elle a voulu faire découvrir de nouvelles possibilités de partages et de dialogues, créer des passages entre les cultures. à ces jeunes brésiliens et brésiliennes.
Toute reprise réussie demande un ajout créatif, une interprétation différente tout en respectant le propos initial. C’est là toute la difficulté de l’exercice.
Pari parfaitement réussi pour moi.
On a d’abord une première partie « hommage » qui colle à la version initiale. ET on retrouve avec joie les mouvements des danseurs en groupe rythmés par les bruits de leur pas. Et puis au bout d’un petit moment on se dit que oui c’est bien ainsi mais so what .. ET puis, les danseurs enlèvent leurs chaussures… Et là, oui, tout re-commence. Ce symbole est fort car elle remplace ainsi le rythme des pas par celui des tambours du carnaval. On est à Rio. On est au milieu des fanfares brésiliennes. Les musiques de carnaval de Gilles de Binche nous entraînent dans un univers violent, sensuel, charnel, cadencé aux rythmes de ces tambours. On est dans les bas fond du carnaval, là où les touristes ne s’aventurent pas, là on tout est difficile. violent, compliqué. Ainsi, ces scènes rythmées font comme un écho à la version primaire. ET Lia Rodrigues invente encore, continue sa réinterprétation, sa reconstruction en habillant et grimant encore un peu plus les danseurs. On pénètre ainsi dans un monde très Beckettien et en cela elle respecte parfaitement le propos initial mais en y insérant une touche de burlesque. Autant les personnages initiaux de Maguy Marin étaient blancs et impersonnels autant la réinterprétation de Lia Rodriguez les rend colorés, outranciers, carnavalesques mais tout aussi pathétiques.
Elle réinvente des scènes telle celle du gâteau d’anniversaire et le final en se réappropriant complètement ces univers. C’est baroque et drôle. C’est touchant et violent. C’est poétique et cru.
Cette transmission puisqu’il s’agit d’une transmission nous parle de notre modernité. Nous renvoie à notre époque, violente et désespérée. Ainsi les déambulations de ces danseurs habillés, grimés, pathétiques avec leur valise ne peut que nous évoquer les problèmes d’immigration actuels. On est ramené violement à cette triste réalité des bateaux en mer Méditerranée, aux files d’attentes devant les préfectures, au camp de la jungle de Calais bref à notre façon primitive de rejeter l’autre parce qu’il dérange, parce qu’il nous bouscule.
Alors, cette transmission puisqu’il s’agit d’une transmission nous bouscule tout autant que la version primitive l’avait fait en son temps sûrement pour d’autres raisons, les époques étant différentes, mais tout aussi dérangeant et non conformiste. Aussi, je dis bravo, pour moi c’est une réussite car l’exercice n’était pas simple.
Chorégraphie Maguy Marin / Lia Rodriguez
Musiques Franz Schubert, Gilles de Binche, Gavin Bryars
Costumes Louise Marin
Lumières Alexandre Béneteaud
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