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Arts-chipels.fr

Rodin et la danse. Quand la tension maximale des corps dansés alimente la sculpture

Rodin et la danse. Quand la tension maximale des corps dansés alimente la sculpture

Traduire la vie des corps et les saisir dans leur mouvement, en explorant les propositions des corps danses, qui en font reculer les limites : une belle exploration que propose le musée Rodin, à côté de ses collections permanentes.

L’intérêt de Rodin pour une gestuelle poussée aux extrêmes limites des possibilités du corps, son appétence à développer une expressivité souvent excessive, hors du commun, des torsions mouvementées et dynamiques, ne pouvait que le conduire vers la danse, langage du corps en mouvement par excellence. Ce n’est donc pas par hasard qu’il entretient avec la danse, les danseurs et les acrobates de son temps une relation qu’il poursuivra durant de longues années.

Rodin et la danse. Quand la tension maximale des corps dansés alimente la sculpture

Révolution chorégraphique et liberté des corps

Il faut dire que la danse de son temps lui offre un terrain d’exploration sans équivalent. Les danseurs qui s’expriment, à la jonction du XIXe et du XXe siècle, affichent une volonté en acte de se libérer du carcan de la danse « classique ». Qu’il s’agisse de se détacher du costume pour se livrer à une chorégraphie fluide, dans un costume qui peut apparaître à l’époque comme une offense aux bonnes mœurs dans sa proximité avec la nudité et sa gestuelle non contrainte, comme le pratique Isadora Duncan, que ce soit de briser, comme dans le Sacre du printemps les codes en dansant les pieds en dedans ou dans une contorsion du corps, d’utiliser l’ampleur des voiles magnifiés par un prolongement des bras qui se livrent à des circonvolutions savantes sous les auspices de la fée Électricité telle Loïe Fuller, ou encore  – France coloniale oblige – de se laisser séduire par les danses « exotiques » venues d’Extrême-Orient, la révolution chorégraphique est dans l’air, et surtout elle invente un nouveau rapport à la corporalité et à l'espace. Il n’est donc pas étonnant que l’homme dont la fonction est de sculpter des êtres humains, donc des corps, pénètre avec délectation dans un art qui entretient avec le sien des rapports étroits.

Rodin et la danse. Quand la tension maximale des corps dansés alimente la sculpture
Rodin et la danse. Quand la tension maximale des corps dansés alimente la sculpture

Mouvements de danse

Entre 1903 et 1913, Rodin, au sommet de sa gloire, réalise un ensemble de sculptures – avec nombre de petits formats – et de dessins qui synthétise son approche du mouvement et de la perception des corps. Durant deux années, de 1903 à 1905, il travaille avec une acrobate, Alda Moreno. Durant les séances de travail, elle réalise des étirements en tous sens pendant qu’il la dessine. Il décalque ensuite ces dessins pour les reproduire et ajouter de la couleur. Puis il passe à la réalisation en volume en s’aidant de trois moules dont les moulages sont ensuite combinés pour former des figures explorant toutes les possibilités de leur occupation de l’espace. Il reprendra ces mêmes séances entre 1910 et 1913.

Rodin et la danse. Quand la tension maximale des corps dansés alimente la sculpture
Rodin et la danse. Quand la tension maximale des corps dansés alimente la sculpture

Capter l’énergie et le mouvement

Au-delà de cette exploration de la limite du développement du corps dans l’espace, de sa déformation et recomposition poussées jusqu’au point de rupture, il cherche à saisir l’essence du mouvement. Ce sont les dessins des mains des danseuses cambodgiennes, doigts écartés et relevés à la verticale du bras, qui livrent une géographie de signes fascinante, l’étude des drapés dans leur relation avec le mouvement, la leçon que nous apportent les danseuses antiques mais aussi la liberté qui anime les corps affranchis de la pesanteur lorsqu’ils s’élèvent dans les airs et font de l’espace vide une matière vivante, qui entretient avec la sculpture des rapports étroits.

Rodin capte par le dessin la fugacité du moment, il capture la vérité qui siège dans un mouvement, une courbure, une torsion. Il saisit, au-delà du danseur lui-même dont les traits sont le plus souvent indiscernables, les formes archétypales de la danse. Nous sommes au-delà du réel, dans une exploration de l’idée, dans une recherche de vérité qui transcende le corps pour en capter la vie dans l’espace.

Lorsqu’on se transporte ensuite dans les collections permanentes, on comprend mieux ce qui fait de la sculpture de Rodin une expérience unique, et derrière lui ce qui anima, jusqu’à la folie, Camille Claudel. Un choc des corps qui, tout à coup, comprime l’espace, une densité de l’air qui surgit de ces formes encore rattachées à la pierre d’où elles s’extraient comme arrachées à la matière brute, et la puissance, avec sa forte charge érotique, de ces personnages qui se ruent hors de la matière, s’arrachent à leur nature pour pénétrer dans un monde où tout n’est que mouvement et forme.

Camille Claudel - La Valse (1889-1905)

Camille Claudel - La Valse (1889-1905)

Rodin et la danse

Du 7 avril au 22 juillet 2018

Musée Rodin – 77, rue de Varenne – 75007 Paris

Du mardi au dimanche, 10h-17h45

www.musee-rodin.fr

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