28 Janvier 2018
L’histoire que beaucoup connaisse, est celle d’Antonio, interprété par Thomas Marceul, riche marchand chrétien, qui pour aider son jeune ami Bassanio (Antoine Théry) à faire la conquête de la belle et riche Portia (Julia Picquet), accepte d’emprunter trois mille ducats à l’usurier juif Shylock (Rémy Rutovic), sûr de pouvoir rembourser en temps et en heure. Sauf que la vie n’est pas toujours comme on le voudrait et au moment d’honorer sa dette Antonio est pratiquement ruiné et ne peut donc payer. Shylock exige alors qu’une livre de chair soit prélevée sur le corps de son débiteur comme leur contrat l’exige.
Un parti pris fort du metteur en scène
Ned Grujic dans cette adaptation a fait un choix très fort de couper énormément dans le texte pour ne garder que l’histoire principale centrée sur les 4 personnages principaux. On a ainsi une histoire condensée, forte, qui met en relief les thématiques, hélas, très contemporaines de l’intolérance religieuse et de la vengeance. Aucun personnage ne s’en sort indemne. Chacun a sa part d’ombre, chacun a un côté obscurantiste et machiavélique qui prend souvent le dessus avec parfois quand même une fulgurance plus lumineuse lorsqu’il s’agit de l’amitié masculine.
La seule qui s’en sort avec les honneurs est le personnage de Portia, femme intelligente et aimante qui met tout en œuvre et toute son énergie pour sauver l’ami de son mari du sort horrible dans lequel il s’est lui-même enferré.
En opposant Antonio, marchand chrétien, à Shylock, marchand juif, Shakespeare place deux forces, deux obscurantismes l’un en face de l’autre dans un duel stérile où chaque antagonisme croit détenir la vérité et méprise celle de l’autre. Ce n’est pas comme beaucoup l’on dit et bien que les apparences le laissent penser, un texte antisémite. C’est de mon point de vue, un texte sur l’intolérance et la non communication qui en découle. Chacun s’enferme dans sa vérité et ne tente surtout pas de comprendre l’autre ou du moins d’imaginer un tant soit peu son point de vue. Et dans cette comédie aussi bien Antonio que Shylock s’enferment dans leur forteresse d’intransigeance. C’est un questionnement sur le « vivre ensemble », et la tolérance à l’autre. Sujet au combien actuel aujourd’hui
Tous les effets d’une comédie shakespearienne…
Cependant c’est une comédie et on retrouve tous les ressorts et les effets des comédies de Shakespeare, c’est-à-dire les jeux de masque, les quiproquos, les mises à l’épreuve du prétendant.
Ned Grujic dans ses coups de ciseaux a cependant bien gardé ces différents éléments nécessaires à l’intrigue et aux spectateurs.
… ressorts pas si démodés que cela…
C’est étonnant d’ailleurs comme le personnage de Portia en incarnant un jeune avocat, roué et pertinent entre en résonnance avec nos thématiques actuelles. Les rouages scéniques de ce rôle pourtant écrit il y a plusieurs siècles font appel aux mêmes leviers que les « séries » judico-policières qui envahissent nos écrans. .
Un espace scénographique jouant avec l’imagination du spectateur
Les quatre excellents comédiens interprètent la pièce dans un espace de jeu minuscule rempli par quatre chaises, des maquettes de ponts vénitiens peints en rouge et trois aquariums en ligne sur le devant de la scène. Les costumes sont justes évoqués par des accessoires représentatifs. Mais cela marche, on y croit, on y est. Et d’un coup la scène disparait …La magie du théâtre…
Au Lucernaire
Du 24 janvier au 1er avril 2018 à 20H
http://www.lucernaire.fr/theatre/2097-le-marchand-de-venise-.html