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Arts-chipels.fr

Ne me demande pas comment je vais, Marta chérie. Portrait de Pirandello en homme épris

Ne me demande pas comment je vais, Marta chérie. Portrait de Pirandello en homme épris

Pirandello ne fut pas seulement l’écrivain et l’auteur de théâtre que l’on connaît, il fut aussi un homme amoureux d’une étoile, une comédienne de trente plus jeune que lui, avec qui il entretiendra une correspondance jusqu’à la fin de sa vie. C’est la matière d’un spectacle ni tout à fait lecture, ni vraiment théâtre, encore moins récital, mais un peu des trois.

L’auteur de Six personnages en quête d’auteur, le Prix Nobel de littérature en 1934, l’homme dont l’œuvre chemine sur la frange étroite entre réalité et apparence, théâtre et vie, vient de mourir le 10 décembre 1936. L’amour de sa vie, la comédienne Marta Abba, est à New York lorsqu’elle apprend son décès. Dans une remontée du temps en zigzag, elle reprend leurs échanges de lettres, retrouvant dans le fouillis de la correspondance ce qui les caractérisait, ce qui cimentait leur amour et ce qui les sépara même si leur séparation n’en fut pas réellement une, faisant émerger les morceaux de théâtre qui courent en permanence sous la surface. C’est la trame assez simple qui forme la pièce écrite par Katia Ippaso et qui s’inspire de cette correspondance.

On découvre, au-delà de l’homme de théâtre qui symbolisa l’avant-garde du spectacle vivant dans les années 1920,adulé à Paris et mis en scène par la fine fleur des membres du Cartel, Charles Dullin et Georges Pitoëff, un homme épris qui dit son amour impossible, la force qu’elle lui confère, l’inspiration qu’il suscite en lui mais aussi la souffrance qu’il éprouve en voyant la femme qu’il aime s’échapper pour se réaliser. Laurence Cordier porte le texte de manière haute et claire, et avec lui le concert de voix qui s’y expriment : celles de Marta et de Pirandello, mais aussi celles des critiques qui les exhibent sur la place publique.

Hybridations

Sur ces échanges, ces bribes de dialogues, ces fragments de vie, Arturo Armone Caruso greffe des « intermèdes » musicaux, comme il l’avait fait pour son précédent spectacle, Doll Is Mine, et avec la même chanteuse et musicienne, Maria Fausta Rizzo – une femme qu’on aimerait voir se produire seule, en récital, tant le message qu’elle nous délivre est prenant. Elle chante le blues déchirant des vies qui nous échappent, se diluent dans la grisaille du quotidien, s’enfoncent dans la boue noire des jours. Avec sa voix de gorge, profonde et légèrement voilée, son timbre de goualeuse qui passe de la plainte au cri et du récitatif au chant, elle est sursaut de l’âme, présence entêtante qui dit la douleur des temps, le manque qui étreint les cœurs et les corps.

Cet étrange attelage – la comédienne et la chanteuse – qui ne se parle pas, ne communique pas, chacune enfermée dans sa parole, dégage cependant une poésie à laquelle on ne peut manquer d’être sensible même. L’on eût souhaité, peut-être, une osmose plus grande, mais nous sommes ici dans le cadre d’une représentation unique, pour les quelques cent personnes rassemblées en ce lieu. Pour une manifestation de l’éphémère, c’est déjà tout à fait remarquable.

Ne me demande pas comment je vais de Katia Ippaso

D’après la correspondance de Luigi Pirandello et de son actrice-muse Marta Abba

Traduction et mise en espace : Arturo Armone Caruso

Textes dits par Laurence Cordier

Chant et musique : Maria Fausta Rizzo

Institut culturel italien – 50 rue de Varenne – 75007

13 novembre 2017

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