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Arts-chipels.fr

Concours Vladimir Horowitz. Des jeunes gens époustouflants

Concours Vladimir Horowitz. Des jeunes gens époustouflants

Ils sont les lauréats du concours Vladimir Horowitz qui se déroule chaque année à Kiev en Ukraine. Ils sont jeunes, talentueux, à l’orée d’une carrière professionnelle qu’on leur souhaite belle et emplie de succès. Ils nous ont offert un concert de grande qualité, qui augure d’un futur passionnant.

Cette compétition, créée en 1995 en hommage à la mémoire du pianiste Vladimir Horowitz, offre l’opportunité à de jeunes pianistes de se produire dans nombre de pays du monde, dans le cadre d’échanges comme au Danemark, en Géorgie, aux Pays-Bas, mais aussi en Norvège, en Espagne, en Estonie ou en Italie. Deux concerts sont prévus pour présenter les lauréats du concours : le 14 et le 28 novembre 2017. Celui du 14, présentant les deuxième, troisième et quatrième prix, a tenu ses promesses en nous proposant un programme de haute tenue, très romantique dans sa sélection d’œuvres.

La folie du clavier

Concours oblige, ces jeunes gens se devaient de démontrer leur virtuosité en choisissant des pièces exigeantes. Rythmes rapides, ruptures de ton, variations de toucher, du pianissimo presque imperceptible au fortissimo fougueux : rien ne manquait à la palette que ces jeunes interprètes nous ont proposé. Mais, bien évidemment, « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » ; la vélocité et la technique sont une part de la musique mais ils n’en sont pas l’âme. Ces jeunes musiciens nous ont montré qu’ils savaient être autre chose que des singes savants se livrant à des tours pour le plaisir de la galerie.

Tous jeunes, tous différents

Un jeune homme de dix-sept ans ouvrait le bal. Kaiwen Zhao, avec un programme Schubert (Impromptus nos 3 et 4 ), Brahms (Variations sur un thème de Paganini op. 35) et Liszt (Rhapsodie hongroise n° 9) avait mis la barre très haut. Impeccable, comme savent l’être les Asiatiques toujours à la recherche de la perfection, ce pur produit de la Chine (il a fait ses études de piano dans son pays) excella dans Brahms et Liszt. Sa virtuosité d’exécution et le plaisir ludique et jubilatoire qu’il éprouvait à jouer étaient communicatifs. Mais pour Schubert, la maturité musicale, en dépit des nuances de l’interprétation, n’était pas là et la technique sans effet. Quand le supplément d’âme n’est pas au rendez-vous, on reste sur sa faim. Mais pouvait-il en être autrement quand on a dix-sept ans ? On peut gager que, les années passant, le jeune homme passera du jeu au Je et individualisera davantage son interprétation.

Contraste presque absolu : le jeune Ukrainien qui le suivait, Oleksandr Leonov, avait choisi un programme ambitieux de musique romantique si l’on fait référence aux interprétations magistrales qu’on connaît de ces œuvres : le Scherzo n° 4 op. 54 de Chopin et trois pièces de la Belle au bois dormant de Tchaikovsky. Comment en effet se confronter aux « grands » qui se sont attaqué à ces mêmes œuvres ? La barre était, me semble-t-il, un peu haute, en dépit d’une interprétation habitée, toute en nuances, et d’une technique sans faille. Une curiosité fermait le programme de Leonov : l’Étude d’exécution transcendante n° 10 « Lezginka » de Liapounov. On ne joue plus aujourd’hui ce musicien, protégé de Balakirev et émigré à Paris après la Révolution russe, qui se place à la charnière entre le Groupe de Cinq et les Scriabine, Stravinsky, Prokoviev ou Chostakovitch. Ses Douze études d’exécution transcendante écrites à la mémoire de Liszt méritent cependant qu’on s’y arrête. Leonov y a donné la dimension de son talent. L’étude « Lezginka », qui prend sa source dans une musique de danse populaire endiablée, est un très passionnant voyage au pays des steppes où se mêlent réminiscences de culture populaire et modernité.

Le dernier pianiste, Baichao Lan, originaire de Shanghai est issu du New England Conservatory de Boston, la plus vieille école de musique indépendante des États-Unis, qui propose des cursus associés en particulier avec l’Université Harvard. Il nous a semblé surclasser tous les autres pour ce qui est du sens de la musique. Complètement habité par elle, il vit avec elle et en elle. Il palpite à chaque accord et nous entraîne dans la passion qu’on sent poindre à tout moment. Nous ne nous sommes pas départis du romantisme : Schubert à nouveau (avec quelle émotion !) et Rachmaninov (Préludes nos 4 à 6, op. 32) étaient au programme. La maturité musicale habite déjà ce tout jeune homme qui rappelle, dans son allure, le Tchang dessiné par Hergé pour Tintin, avec ses petites lunettes rondes qui ne lui servent à rien pour jouer car il n’a pas de partition mais qu’il remonte régulièrement sur l’arête de son nez. Enthousiasmant est ce jeune pianiste qui associe technique et sensibilité avec une maîtrise fantastique et vit ce qu’il joue avec une intensité communicative.

Animato, bravo pour la musique !

La venue de ces jeunes artistes a été rendue possible grâce au travail d’une association, Animato, qui « mobilise aujourd’hui un public connaisseur et passionné pour entendre les plus grands talents pianistiques de demain. » Animato organise aussi des stages d’été, des rencontres internationales de jeunes pianistes, des festivals, des conférences, etc. Ses « Mardis musicaux » offrent un ban d’essai, dans une vraie salle de spectacle, à de jeunes interprètes et des cours d’interprétation de haut niveau. L’entrée des concerts est gratuite et chacun donne ce qu’il veut à la fin, en fonction de ses possibilités. Alors, chapeau l’association ! qui concilie exigence de contenu et accessibilité à tous !

Un autre concert rassemblant le premier prix du concours Horowitz, Junhee Kim, et celui du concours « Top of the world » (Norvège), Dmitry Shishkin (Russie, également lauréat du concours Frédéric Chopin, à Varsovie en 2015) aura lieu le 28 novembre. À suivre !

Lauréats du concours Vladimir Horowitz :

Kaiwen Zhao (Chine) : Schubert (Impromptus nos 3 et 4, op. 90), Brahms (Variations sur un thème de Paganini, Livre II, op. 35), Liszt (Rhapsodie hongroise n° 9)

Oleksander Leonov (Ukraine) : Chopin (Scherzo n° 4 en mi majeur, op. 54), Tchaikovsky/Pletnev (3 pièces de la Belle au bois dormant), Liapounov (Étude d’exécution transcendante n° 10 « Lezginka »)

Baichao Lan (Chine) : Schubert, Rachmaninov (Préludes nos 4, 5 et 6, op. 32)

Site de l’association Animato : www.animato.org

SALLE CORTOT – 78, rue Cardinet – 75017 Paris – www.sallecortot.com

À SUIVRE : concert du 28 novembre avec

Junhee Kim (Corée) : Chopin (Nocturne n° 1 op. 9), Liszt (Tarentelle), Ravel (Gaspard de la Nuit)

Dmitry Shishkin (Russie) : Chopin (Ballade n° 1 op. 23), Rachmaninov (Études-tableaux nos 1 à 4, 6, 8, 9 op. 39)

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