6 Avril 2017
Elle chante, ironise, se cabre et tempête. Ils jouent et se jouent du texte, au piano et à la batterie. Marie S. et le collectif Danton nous convient à une fête musicale et théâtrale inclassable qui mêle jazz, rock et variétés, où se dessine en creux les ombres tutélaires de Boris Vian et de Barbara.
Elle émerge peu à peu de l’ombre, grande silhouette longiligne aux bras interminables toujours en mouvement qui se tendent, se croisent et se tordent. On ne perçoit pas d’abord ce quelle dit – les sons forment un vague langage imaginaire qui conduisent vers la musique, première et singulière. Marie S. bouge peu mais ses mains sont à elles seules mille milliards de poèmes. Elles prennent à partie, miment, pointent du doigt, convoquent, interpellent.
Marie S. raconte des histoires de tout temps et de notre temps : amours envolées, espoirs déçus, fragilité des choses, vanité du monde, pourriture du quoitidien. Du murmure au cri, du chuchotement au vacarme, le spectacle s’écrit en ruptures de tons et de rythmes. Suave, sauvage, d’une sensibilité à fleur de peau, souvent ironique, Marie S. se transforme, tantôt midinette aux accents adolescents, tantôt rouée et acide, toujours consciente de son propre jeu qui joue à jouer, où l’humour et la distance renvoient au regard sur soi et sur le monde. Sa voix peut prendre au gré des textes des accents rauques, avant de passer l’instant d’après à une mélodie déliée, ou monter brusquement dans les aigus pour retrouver la gravité. Elle passe sans transition du récitatif à la goualante tandis que la musique tisse son obsédante rythmique en arrière-plan.
De la musique avant toute chose
Claviers, percussions et violon ponctuent et accompagnent le spectacle de bout en bout. La diversité incroyable des styles et formes musicales est de règle et bien mal venu serait celui qui tenterait de la définir. Du jazz, mais pas seulement. Des romances nostalgiques, mais pas seulement. Des accents rock pour dénoncer, électro pour dire le désir, mais pas seulement. Du chant, traversé de cris et de rugissements, mais pas seulement. Un projet inclassable, un OVNI musical où des mélodies très simples en apparence - parfois quelques notes égrenées et un accord comme un leitmotiv qui martèle la cadence – mais une délicatesse et une finesse remarquables.
Au pays des enfants surdoués
Tous, malgré leur jeune âge, sont à l’image de leur spectacle : ondoyants et divers. Marie S. ajoute à une formation musicale classique au violon le chant et la composition jazzistique. Alexis Morel, auteur-compositeur, privilégie l’association du son et de l’image, au cinéma comme dans le spectacle vivant – il a notamment co-écrit le spectacle Riz complet avec la chorégraphe Sandra Abouav qui mêle texte, musique et danse. Nicolas Worms, aux claviers, bardé de prix divers, poursuit des études d’improvisation au piano avec Jean-François Zygel – son doigté tout à fait remarquable est impressionnant. Quant à Stan Delannoy, il collabore régulièrement à l’Orchestre de la Suisse romande tout en pratiquant la batterie dans un groupe de jazz.
On l’aura compris, placés sous le signe de l’hybridation, ces Cent soleils offrent richesse et mixité dans un monde où la différence est parfois pointée du doigt. Ils rappellent avec justesse que du mélange naissent les plus beaux enfants.
Cent soleils, Chanson indé, Par Marie S. et le collectif Danton
Voix : Marie Salvat.
Batterie et percussions : Stan Delannoy
Claviers : Nicolas Worms
Textes et musiques : Alexis Morel
Théâtre Essaïon – 6, rue Pierre-au-Lard – 75004 Paris
Jusqu’au 3 mai, les mercredis à 21h30