28 Février 2017
Bernard Buffet (1928 - 1999), reconnu internationalement fait toujours polémique en France bien qu’aujourd’hui, de nombreux artistes, professionnels et amateurs, reconsidèrent son œuvre.
Cette exposition rétrospective au Musée d’Art moderne de la ville de Paris présente une très belle sélection sur l’ensemble de l’œuvre de cet artiste et montre la qualité et la diversité de cette création dont l’influence a été diversement appréciée. Le Musée d’Art moderne est le seul musée public français qui possède une collection importante des œuvres de cet artiste, et c’est donc tout à fait légitime que cette rétrospective soit présentée dans ses murs.
Bernard Buffet est un artiste précoce. Il obtient à 16 ans une dérogation pour entrer aux Beaux-Arts de Paris et ses premières créations s’inscrivent dans une tradition picturale, allant de Chardin à Courbet avec les thèmes de prédilection qui l’accompagneront toute sa carrière : les autoportraits et les natures mortes. Il travaille beaucoup au Louvre pendant ses premières années et il revendiquera toujours l’influence des grands maîtres dans la culture et formation des artistes. Il abordera également une diversité de thèmes au cours de ses expositions annuelles à la Galerie Garnier qui sera sa seule vitrine française pendant toute sa carrière, notamment des cycles religieux (La Passion du Christ), littéraires (L’Enfer de Dante, Vingt mille lieues sous les mers) ou allégoriques (Les Oiseaux, Les Folles) jusqu’à La Mort, spectaculaire dernière série se référant aux memento mori médiévaux.
Élu à l’Académie des beaux-arts le 13 mars 1974 au fauteuil de Paul Jouve, Bernard Buffet est alors le plus jeune académicien.
Chacun, (de ceux qui ont plus de 20 ans…) ont en mémoire la série « cirque » et ses clowns effrayants qui ont envahis les murs de nos chambre d’enfants des années 1960/ 70.
Jean Cocteau disait de lui en 1957 :
« … Mais là où je l'estime incomparable, c'est lorsqu'il porte ce vide à son compte, relègue son arsenal de piques dans les coulisses et règne, comme Louis II de Bavière, dans la loge d'un théâtre vide avec pour tout décor soit une plage et sa mer plate, soit un chantier dont les grues au cou antédiluvien hurlent par l'organe des sirènes d'usine…
… Mais en fin de compte, c'est l'ami sans peur et sans reproche dont je voudrais vous dire l'âme. Ame qui s'oppose ensemble à celles de la champêtre famille impressionniste et de la sombre caste du cubisme, caparaçonnée de tôle et de papier journal. »
C’est vrai que son style est en rupture complète avec son époque, inclassable, dérangeant, inquiétant parfois. Si sa signature était, selon la formule de Vialatte, un « fagot d’épines »,
Son style est reconnaissable entre tous et le suivra toute sa carrière. Il utilise un graphisme anguleux, sans ombre ni profondeur, sans perspective mettant en scène des personnages raides, sans émotion, ni sentiment, souvent figés dans des positions improbables. C’est ce manque d’émotions qui interpelle et dérange certains.
Il me semble important pour parler du style de Bernard Buffet de parler de Graphisme et même de Graph. Il a été comparé parfois aux artistes pop ou de la Figuration narrative ou du « Bad painting » américain. Warhol le considérait également comme un grand peintre.
C’est un style complètement actuel qui bien en amont utilisait déjà les codes du style urbain qui s’étale aujourd’hui sur les murs de nos villes.
Il a fait également de nombreuses estampes avec ce style épuré et sobre qui convenait parfaitement à la gravure. Ses eaux fortes sont remarquables avec ses traits épais noirs, anguleux qui délimitent les formes et découpent l’espace.
Ainsi les 22 planches à la pointe sèche qui accompagnent la pièce de Jean Cocteau « La voix humaine où il mélange le texte avec son graphisme particulier et les illustrations. Cette œuvre originale fait partie d’une démarche globale où la littérature, le théâtre , la musique l’inspirait tout particulièrement et donnait lieu à des éditions en petite série. Ainsi en 1952, il illustre Les chants de Maldoror de Lautréamont puis Recherche de la pureté de Giono.
Très tôt ses toiles sont remarquées par les critiques et les collectionneurs. A 19 ans, avec « Deux hommes dans une chambre », il remporte le prix de la Critique organisé par la galerie Saint-Placide.
Le succès suit et il mènera une carrière internationale avec un musée qui lui sera consacré au Japon et des expositions dans le monde entier, New York, Londres, Bâle etc.
Dans cette rétrospective riche et complète, j’ai tout particulièrement apprécié la série sur l’enfer de Dante que je ne connaissais pas. Dans ces œuvres on retrouve le style qui a fait son succès, traits anguleux, palette aux tonalités grises et terres d’où se dégage une extrême violence et un profond désespoir. Ces peintures sont désespérément tragiques sans aucune possibilité de rédemption ni d’espoir de survie.
A noter quelques éléments autobiographiques par exemple son visage et celui de quelques proches qu’il donne à plusieurs damnés.
C’était un acharné du travail. Il faisait et refaisait jusqu’à satisfaction.
Lorsque Bernard Buffet met fin à ses jours à Tourtour, vingt-quatre toiles numérotées ayant pour thème «La Mort» sont prêtes dans son atelier, pour la prochaine exposition. Masculins ou féminins (parfois les deux), ces personnages anachroniques en costumes de la Renaissance ont d’abord été peints vivants, puis Buffet les a peu à peu écorchés de façon à ce qu’apparaisse le squelette, jusqu’à les transformer progressivement en transis.
Cette dernière série est impressionnante et tout aussi inclassable que le reste de sa production. Il a traversé son époque, le siècle dernier, je dirai presque sans l’effleurer mais il a incroyablement transfiguré les codes de la nôtre et le paradoxe est qu’il est mort en 1999 juste avant ce 21ème siècle alors qu’il est pleinement à mon sens, un peintre de ce 21eme siècle et de ses dérives mortifères.
Bernard Buffet (1928 - 1999), reconnu internationalement fait toujours polémique en France bien qu’aujourd’hui, de nombreux artistes, professionnels et amateurs, reconsidèrent son œuvre.
Cette exposition rétrospective au Musée d’Art moderne de la ville de Paris présente une très belle sélection sur l’ensemble de l’œuvre de cet artiste et montre la qualité et la diversité de cette création dont l’influence a été diversement appréciée. Le Musée d’Art moderne est le seul musée public français qui possède une collection importante des œuvres de cet artiste, et c’est donc tout à fait légitime que cette rétrospective soit présentée dans ses murs.
Bernard Buffet est un artiste précoce. Il obtient à 16 ans une dérogation pour entrer aux Beaux-Arts de Paris et ses premières créations s’inscrivent dans une tradition picturale, allant de Chardin à Courbet avec les thèmes de prédilection qui l’accompagneront toute sa carrière : les autoportraits et les natures mortes. Il travaille beaucoup au Louvre pendant ses premières années et il revendiquera toujours l’influence des grands maîtres dans la culture et formation des artistes. Il abordera également une diversité de thèmes au cours de ses expositions annuelles à la Galerie Garnier qui sera sa seule vitrine française pendant toute sa carrière, notamment des cycles religieux (La Passion du Christ), littéraires (L’Enfer de Dante, Vingt mille lieues sous les mers) ou allégoriques (Les Oiseaux, Les Folles) jusqu’à La Mort, spectaculaire dernière série se référant aux memento mori médiévaux.
Élu à l’Académie des beaux-arts le 13 mars 1974 au fauteuil de Paul Jouve, Bernard Buffet est alors le plus jeune académicien.
Chacun, (de ceux qui ont plus de 20 ans…) ont en mémoire la série « cirque » et ses clowns effrayants qui ont envahis les murs de nos chambre d’enfants des années 1960/ 70.
Jean Cocteau disait de lui en 1957 :
« … Mais là où je l'estime incomparable, c'est lorsqu'il porte ce vide à son compte, relègue son arsenal de piques dans les coulisses et règne, comme Louis II de Bavière, dans la loge d'un théâtre vide avec pour tout décor soit une plage et sa mer plate, soit un chantier dont les grues au cou antédiluvien hurlent par l'organe des sirènes d'usine…
… Mais en fin de compte, c'est l'ami sans peur et sans reproche dont je voudrais vous dire l'âme. Ame qui s'oppose ensemble à celles de la champêtre famille impressionniste et de la sombre caste du cubisme, caparaçonnée de tôle et de papier journal. »
C’est vrai que son style est en rupture complète avec son époque, inclassable, dérangeant, inquiétant parfois. Si sa signature était, selon la formule de Vialatte, un « fagot d’épines »,
Son style est reconnaissable entre tous et le suivra toute sa carrière. Il utilise un graphisme anguleux, sans ombre ni profondeur, sans perspective mettant en scène des personnages raides, sans émotion, ni sentiment, souvent figés dans des positions improbables. C’est ce manque d’émotions qui interpelle et dérange certains.
Il me semble important pour parler du style de Bernard Buffet de parler de Graphisme et même de Graph. Il a été comparé parfois aux artistes pop ou de la Figuration narrative ou du « Bad painting » américain. Warhol le considérait également comme un grand peintre.
C’est un style complètement actuel qui bien en amont utilisait déjà les codes du style urbain qui s’étale aujourd’hui sur les murs de nos villes.
Il a fait également de nombreuses estampes avec ce style épuré et sobre qui convenait parfaitement à la gravure. Ses eaux fortes sont remarquables avec ses traits épais noirs, anguleux qui délimitent les formes et découpent l’espace.
Ainsi les 22 planches à la pointe sèche qui accompagnent la pièce de Jean Cocteau « La voix humaine où il mélange le texte avec son graphisme particulier et les illustrations. Cette œuvre originale fait partie d’une démarche globale où la littérature, le théâtre , la musique l’inspirait tout particulièrement et donnait lieu à des éditions en petite série. Ainsi en 1952, il illustre Les chants de Maldoror de Lautréamont puis Recherche de la pureté de Giono.
Très tôt ses toiles sont remarquées par les critiques et les collectionneurs. A 19 ans, avec « Deux hommes dans une chambre », il remporte le prix de la Critique organisé par la galerie Saint-Placide.
Le succès suit et il mènera une carrière internationale avec un musée qui lui sera consacré au Japon et des expositions dans le monde entier, New York, Londres, Bâle etc.
Dans cette rétrospective riche et complète, j’ai tout particulièrement apprécié la série sur l’enfer de Dante que je ne connaissais pas. Dans ces œuvres on retrouve le style qui a fait son succès, traits anguleux, palette aux tonalités grises et terres d’où se dégage une extrême violence et un profond désespoir. Ces peintures sont désespérément tragiques sans aucune possibilité de rédemption ni d’espoir de survie.
A noter quelques éléments autobiographiques par exemple son visage et celui de quelques proches qu’il donne à plusieurs damnés.
C’était un acharné du travail. Il faisait et refaisait jusqu’à satisfaction.
Lorsque Bernard Buffet met fin à ses jours à Tourtour, vingt-quatre toiles numérotées ayant pour thème «La Mort» sont prêtes dans son atelier, pour la prochaine exposition. Masculins ou féminins (parfois les deux), ces personnages anachroniques en costumes de la Renaissance ont d’abord été peints vivants, puis Buffet les a peu à peu écorchés de façon à ce qu’apparaisse le squelette, jusqu’à les transformer progressivement en transis.
Cette dernière série est impressionnante et tout aussi inclassable que le reste de sa production. Il a traversé son époque, le siècle dernier, je dirai presque sans l’effleurer mais il a incroyablement transfiguré les codes de la nôtre et le paradoxe est qu’il est mort en 1999 juste avant ce 21ème siècle alors qu’il est pleinement à mon sens, un peintre de ce 21eme siècle et de ses dérives mortifères.
Exposition au Musée d’Art moderne de la ville de Paris
Du 14 octobre 2016 au 05 mars 2017