22 Janvier 2017
Le Théâtre des Champs-Élysées proposait en ce mois de décembre une affiche d’exception : l’Orchestre symphonique de Vienne dirigé par Daniel Barenboïm. Au programme : Ma Vlást (Ma Patrie), six poèmes symphoniques dédiés par Smetana à son pays, la Bohême.
Ce n’est pas un hasard si Smetana, grand admirateur de Liszt, adopte la forme du poème symphonique. Liszt s’en était fait le héraut. Sur tout le cycle, l’un des poèmes nous est familier : le deuxième, plus connu sous le nom de La Moldau, qui inspira l’hymne israélien.
La musique de Smetana nous semble aujourd’hui un peu grandiloquente et moins intéressante que celle de ses contemporains. Ce concert le confirme s’il en était besoin. Il n’empêche que le travail accompli par Barenboim avec l’orchestre était tout à fait remarquable par ses nuances – c’est malaisé avec cette musique finalement assez massive, pesante, assez pompiériste – et la manière dont il donne à entendre les fragments solitaires où les instruments sont dissociés en évitant de les noyer dans la masse.
La clé du renouveau des peuples
Ce qui ressort néanmoins de manière éclatante, c’est l’apport fondamental des airs populaires tchèques à l’ensemble. L’utilisation qu’en fait Smetana n’est en aucun cas anecdotique. Elle est la matière même, la revendication première, comme une affirmation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Il est temps de relire Du Bellay :
« Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province et beaucoup davantage. » (Les Regrets)
Le Printemps des peuples aura été un des thèmes importants de cette saison musicale. À quand le nôtre ? Débarrassé cependant des revendications communautaristes nauséabondes. C’est cela qui est compliqué dans la revendication identitaire. Elle chemine sur la frange étroite entre un désir de liberté légitime et un sectarisme de mauvais aloi. Aujourd’hui, plus on entend les communautaires de tous bords clamer leur différence, plus nous devons nous revendiquer comme citoyens du monde – pas comme il est, naturellement, mais comme il devrait être, dans une acceptation des différences doublée d’un respect mutuel. Et ce respect fait cruellement défaut de nos jours.
SF
Wiener Philharmoniker
Sous la direction de Daniel Barenboim
Smetana, Ma Vlást (Ma Patrie), 6 poèmes symphoniques
20 décembre 2016
Théâtre des Champs-Élysées – 15, avenue Montaigne – 75008 Paris
Tél. 01 49 52 50 50