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Arts-chipels.fr

Le trio Velardi-Sebastianutto-Picotti. Surprises italiennes

Le trio Velardi-Sebastianutto-Picotti. Surprises italiennes

Ermanno Wolf Ferrari et Alfredo Casella, quoique célèbres en leur temps, font partie de ces musiciens passés à la trappe de l’histoire mondiale de la musique mais qui méritent cependant d’être redécouverts. Associés à Brahms dans ce concert, ils forment avec lui un concert résolument tourné vers le XXe siècle.

Les concerts à l’Institut culturel italien sont souvent l’occasion de découvertes que nos histoires de la musique françaises n’ont pas retenues. De son côté, l’Accademia dei Cameristi, basée à Bari, offre à de jeunes musiciens la possibilité de cultiver leur talent en jouant avec des artistes de renom. C’est le cas de Viviana Velardi (piano), Cristian Sebastianutto (violon) et Erica Picotti(violoncelle). La conjonction des deux est de l’ordre des plaisantes surprises.

Des Italiens à découvrir ou redécouvrir

Wolf (Ferrari était le nom de sa mère) est un Vénitien à cheval sur les XIXe et XXe siècles (1879-1948). Il peut paraître étonnant que ce compositeur, qui fut l’un des plus joués avant la Première Guerre mondiale, soit complètement tombé dans l’oubli. Sa musique, plutôt légère au début, s’assombrit au fil du temps et se fait plus dramatique. Le trio interprété ce soir-là, daté de 1900, renvoyait effectivement à la musique de cette époque : une tradition revisitée, un déplacement subtil. On a quitté les excès romantiques et enlevés pour pénétrer dans la musique de paysage (« Votre âme est un paysage choisi »…) où se dessinent des accents, des ébauches, une captation de l’éphémère, une variation des humeurs. Le trio, organisé majoritairement comme un dialogue entre le piano d’un côté, qui imprime sa marque et donne le tempo et les cordes, jouant le plus souvent simultanément, parfois même à l’unisson était intéressant mais inégal. La première partie offrait une synthèse de la composition musicale du morceau avec une force et une intensité que les mouvements suivants affadissaient.

Le second « inconnu », Alfredo Casella (1883-1947), fut surprenant. Cet élève de Fauré, condisciple de Ravel et d’Enesco, qui partit dans les années 1920 aux États-Unis avant de revenir à Rome, offre ici une musique inclassable. Avant de retrouver sa trace (biographique), je me suis contentée d’écouter le concert. Dans mon esprit, nous nous trouvions à Venise, au XVIIIe siècle. Belles dames et joyeux gentilshommes s’égayaient dans les jardins en devisant gaiement. Hédonisme et douceur de vivre, masques et bergamasques, légèreté de l’air. Des jeux sont organisés, le rythme s’emballe. On se cherche à colin-maillard, on se poursuit, on s’échappe,  tu ne m’attraperas pas… Saurais-tu me reconnaître, les yeux fermés par le bandeau ? Le monde est gracieux, la vie légère, enlevée. Ils font sourire, procurent une sensation de bonheur. Quant à la musique, elle apparaît saugrenue vu sa date de composition (1934). J’ai découvert, de mes lectures ultérieures, que le compositeur affectionnait, dans ses créations, le mélange des époques et des tendances musicales. CQFD. Cela explique ce sentiment que j’ai eu d’être plongée dans une musique bien antérieure à sa date de composition.

Un Brahms de la plénitude

Quant à ce Trio en do mineur (op 101, 1886), œuvre de la dernière partie de la vie de Brahms, à Vienne (il mourra en 1897), c’est une œuvre très aboutie, jouant de toutes les subtilités qu’offre le discours musical. On y retrouve la marque de fabrique de Brahms, cette ampleur lyrique qui n’appartient qu’à lui. On y remarque la variété des accents et la subtilité avec laquelle il manie les trois instruments et en explore les possibilités de dialogue, usant de la réponse, du contrepoint, de l’unisson, dissociant parfois violon et violoncelle, les opposant parfois au piano. Il y a d’extraordinaires moments musicaux dans lesquels le violoncelle entame un picotement musical de pizzicati que le violon interrompt pour le poursuivre à la place du violoncelle. Une véritable plénitude musicale anime ce morceau et Brahms y exprime ici le meilleur de ce que la maturité musicale lui a apporté.

Que dire des interprètes sinon qu’ils étaient magnifiques. La jeune violoncelliste sortait tout droit d’un tableau de Botticelli et rappelait aussi la Vierge à l’Enfant avec deux anges de Filippo Lippi (1465). Longs cheveux blonds ondulés, joli visage harmonieux aux arrondis terminés en légère pointe par le menton, douceur des traits : on baignait avec délice dans la Florence de la Renaissance. Le jeune violoniste brillait surtout par sa technique sans faille. Quant à la pianiste, elle avait les traits taillés à la serpe et le profil aigu d’une dévoration intérieure. Pour tous, ensemble parfait, sensibilité et profond sens des nuances. Un grand plaisir, donc.

 

Trio Sebastianutto-Picotti-Velardi

Viviana Velardi (piano), Erica Picotti (violoncelle), Cristian Sebastianutto (violon)

Ermanno Wolf Ferrari, Trio en fa dièse majeur op. 7

Alfredo Casella, Trio Sonate en la majeur (da G. B. Sammartini)

Johannes Brahms, Trio en do mineur op. 101

23 novembre 2016

Institut culturel italien. 50 rue de Varenne – 75007 Paris

Tél. 01 44 39 49 39

www.iicparigi.esteri.it/IIC_Parigi/fr

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